Pour sa part, le directeur général du Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA), Abdellah Ouadrhiri, lance cet avertissement : «Après les réunions avec les départements concernés et les professionnels, l’assermentation de l’ensemble de nos agents, nous passerons à l’action. Nos descentes vont viser les gros poissons». Et si le patron du BMDA le crie très fort, c’est qu’il est bien armé cette fois-ci par une loi qui lui accorde pas mal de pouvoir.
Une loi qui vient combler des lacunes et pour permettre aussi à notre pays d’être en harmonie avec l’environnement international en constante évolution. Car, rappelons-le, le Maroc a signé des accords de libre-échange avec plusieurs pays tels que la Jordanie, l’Egypte, la Tunisie (accord d’Agadir), la Turquie, puis en 2004 avec les Etats-Unis. Ces accords prévoient des dispositions relatives à la protection de la propriété intellectuelle.
La nouvelle loi publiée dernièrement au Bulletin Officiel (BO) apporte une séries de nouveautés. D’abord, elle accorde au BMDA le droit d’ester en justice et d’assermenter ses agents qui, sans passer par le procureur du Roi, «peuvent procéder, dès la constatation des infractions, à la saisie des phonogrammes et vidéogrammes et tout autre support d’enregistrement utilisable, ainsi que tout matériel servant à la reproduction illicite». Autre nouveauté de ce texte réglementaire, l’aide que doivent apporter les autorités publiques au BMDA ainsi qu’à ses agents pendant l’exercice de leurs fonctions.
Cette loi autorise par ailleurs la Douane à saisir toutes marchandises soupçonnées piratées à la frontière. «L’Administration des douanes et impôts indirects peut, sur demande écrite d’un droit d’auteur ou d’un droit voisin (…), suspendre la mise en libre circulation des marchandises soupçonnées êtres des marchandises contrefaites ou piratées portant atteinte au droit d’auteur et aux droits voisins», dit cette loi.
Concernant le renforcement des sanctions pénales et contrairement à l’ancienne loi qui renvoyait au Code pénal (art. 575 à 579), la nouvelle loi est dotée de sa propre sanction. Face à une infraction, elle prévoit aujourd’hui l’emprisonnement entre deux et six mois et d’une amende entre 10.000 et 100.000 DH.
Et en cas d’infraction d’habitude, les peines citées ci-dessus sont portées au double. Mais en cas de récidive, l’emprisonnement est de un à quatre ans et d’une amende entre 60.000 et 600.000 DH. Alors que l’ancienne loi rappelons le était très clémente devant une infraction et finissait par une amende entre 5.000 et 10.000 DH pour les auteurs.
D’autre part, le nouveau texte renforce également les mesures conservatoires, telles que la saisie, la confiscation, la destruction, la fermeture temporaire ou définitive du local exploité par le fautif et publication du jugement de condamnation aux frais du condamné. De même, elle met en place un système de responsabilité limitée des prestataires de services internet. Pour faciliter la mise en œuvre de cette loi, il y a eu création d’une commission interministérielle regroupant tous les services concernés.
«Nous avons signé des conventions avec les professionnels et créé une commission interministérielle qui regroupe toutes les administrations concernées. Pour avoir une idée de ce qui se passe dans le reste du pays, cette commission possède des antennes régionales qui travaillent avec les autorités locales. Cette commission va être institutionnalisée grâce au projet de décret élaboré par le ministère de la Communication en concertation avec l’ensemble des partenaires», a ajouté M. Ouadrhiri.
Autres faits nouveaux apportés par ce texte consiste à ce que toute atteinte portée au droit d’auteur et voisin peut faire l’objet de poursuite ordonnée d’office par le ministère public sans qu’il y ait besoin de plainte portée par une partie privée ou un titulaire de droit. Autre chose à signaler dans la nouvelle mouture et fait unique dans le monde arabe, la loi 34-05 a étendu la durée de protection des œuvres littéraires et artistiques de 50 à 70 ans après la mort de l’auteur.
Quant au palmarès des régions connues pour abriter une mafia du piratage, les responsables pointent du doigt Casablanca, la zone de Fès et le Nord. Sur ce registre on estime que 70% du marché marocain est dominé par quelques groupes de pirates.
Les pertes dues au piratage et à la contrefaçon des cassettes audio s’élèvent à 60 millions de DH et celles occasionnées par le CD sont estimées à 200 millions de DH. Selon l’association internationale des éditeurs de logiciels, Business Software Alliance (BSA), les pertes engendrées par les copies illégales de logiciels au Maroc seraient de 1,5 milliard de DH.
Enfin, la contrefaçon et le piratage engendreraient des pertes fiscales de 200 millions de DH à l’Etat marocain.
Rachid Tarik | LE MATIN