Le célèbre physicien Albert Einstein disait : « Il est plus difficile de désagréger un préjugé qu’un atome». Et les préjugés au Maroc sont légion. Mais, il y en a un que des dirigeants du football et des journalistes sportifs ont sacré. C’est la supériorité de tous les entraîneurs étrangers sur leurs homologues marocains. Ce préjugé est devenu, pour des responsables, un axiome de leurs gestions. Il n’est ni démontrable ni à démontrer, ni vérifiable ni à vérifier et toute naturellement ni discutable ni à discuter.
M’hamed Fakhir sera la victime expiratoire de cette politique. Son histoire illustre bien le gâchis humain, sportif et financier produit par cette « pensée unique ».
Il est un enfant de la famille du Raja qu’il a côtoyé d’abord comme joueur et par la suite comme cadre technique faisant preuve d’une grande fidélité à ce club. Il n’a eu en échange que mépris et ingratitude.
Comme technicien, il a pris en charge plusieurs catégories de jeunes, où il a montré toute sa science et démontré tout son talent. Tout naturellement, il aspirait à prendre en charge l’équipe première. Très vite, il a compris que c’était vain. L’axiome du départ le lui interdisait.
En revanche, il a toujours servi comme roue de secours afin de dépanner et de boucher des trous pour être jeté par la suite comme un malpropre de manière blessante et humiliante, au profit bien sûr d’entraîneurs étrangers. Il a réussi, néanmoins, à glaner une coupe du trône avec le Raja pendant une de ses piges.
Ce traitement abject l’a poussé à quitter le Raja et à voler de ses propres ailes. Ce départ s’est effectué, à l’image de l’homme, tranquillement sans bruit ni fracas.
Après le Raja, il a pris en charge la Renaissance de Settat, équipe coutumière du bas du tableau et habituée à la lutte pour le maintien. Fakhir la hisse en haut de l’affiche avec deux fois la troisième place mais également en la qualifiant à la finale de la coupe du trône. Seule l’absurde programmation de la FRMF a privé Fakhir d’offrir à la RSS sa première coupe.
Par la suite, Fakhir pose ses valises à Agadir et prend les rênes du HUSA, équipe, dont le palmarès est vierge, et familière du ventre mou du classement. Dès sa première année, Fakhir frappe fort et réussit un exploit. Il obtient simplement le titre de champion, et met fin à la suprématie du Raja. Ce coup de maître sonne déjà le glas pour les dirigeants verts.
La vertu de la persévérance
Il récidive la deuxième année en s’adjudant le titre pour la deuxième fois consécutive. Il fait entrer le HUSA dans le cercle fermé des clubs ayant conservé leur titre et le hisse au sixième rang dans le palmarès des champions.
Ce succès n’a en rien modifié le caractère de Fakhir qui est resté égal à lui-même, dégageant une force tranquille et faisant preuve de beaucoup de classe. Il n’a eu aucun mot déplacé ni aucune insinuation envers ceux qui l’ont négligé, laissant ses résultats parlent pour lui.
Après ces deux années à Agadir, Fakhir rejoint les FAR désireux de retrouver le haut de l’affiche. Après une expérience avec A. Giresse, les dirigeants militaires, contrairement à d’autres, ont eu l’intelligence de changer de politique.
Fakhir se retrouve contexte similaire. L’ASFAR possède, certes un beau palmarès, mais récemment, elle a touché le fond. Fidèle a sa méthode, il entreprend un travail de fond pour jeter les bases d’une solide équipe. Les résultats ne vont pas tarder. La première saison, il gagne la coupe du trône de l’édition précédente (calendrier décalé) mais rate le titre à la dernière minute et d’un cheveu en terminant second à égalité de points avec le Raja sacré. Il se console avec la coupe du trône.
La seconde année, il obtient le sacre de belle manière. Le titre se joue à l’ultime journée qui oppose les deux prétendants le Raja et l’ASFAR à Casablanca. L’ASFAR, second à un point du Raja, n’a d’autres choix que la victoire. Il l’obtient avec l’art et la manière en humiliant le Raja entraîné par un Français, devant son public et dans son temple. Les responsables verts ont bu le calice jusqu’à la lie.
Fakhir continue tranquillement son chemin et se consacre à la coupe CAF. La réussite sera au bout. Il offre aux FAR un second titre continental et inscrit son nom dans le palmarès de ces compétitions. Certes la coupe CAF n’est pas la ligue des champions, mais elle se situe au-dessus des ex C2 et C3. Ce sacre est le fruit d’un périple de 16 matchs. Ultime clin d’œil de l’histoire, Fakhir est sacré au moment où ceux qui l’ont snobé pataugent dans la semoule. Il ne fera aucune allusion à ça et se contentera d’associer à ce succès le public, les joueurs et les staffs technique et médical.
Fakhir avec un palmarès riche de 3 championnats, 3 coupes du trône et 1 coupe CAF est probablement l’entraîneur le plus titré de l’histoire de notre football. Son avenir s’annonce encore plus radieux.
Seuls son courage, sa force de caractère, sa volonté inébranlable et bien entendu sa compétence lui ont permis de défier les obstacles, d’anéantir les préjugés et in fine de réussir. Alors Bravo l’artiste et bonne continuation.
Source : Menara – Mohamed Ali