Nos chances pour la CAN 2006

Au moment où les Lions de l’Atlas commencent à retrouver le plaisir de jouer ensemble, sous la férule d’un entraîneur serein et compétent, tous les scénarios sont envisageables au Caire. Raison de plus pour sonder nos capacités, nos points faibles, et surtout les points forts de nos concurrents directs.

Notre potentiel:

L’équipe qui débutera le match contre la Côte d’Ivoire sera composée en grande partie de joueurs ayant fait partie de l’épopée tunisienne. Les héros de 2004 (Chamakh, Safri, Regragui, Ouaddou, Hadji, Zaïri) sont toujours là, et ils sont encore plus forts aujourd’hui. Techniquement et tactiquement, le potentiel du groupe est immense, il faut remonter à 1998 pour trouver une équipe aussi complète. Côté moral, il n’y a aucun doute à avoir sur la volonté du groupe de réaliser de nouveaux exploits. Malgré l’échec de la qualification au Mondial, le groupe ne s’est jamais désuni. Malgré les cafouillages qui ont suivi la sortie de Zaki, les joueurs ne se sont jamais démobilisés. L’équipe est tellement stable qu’elle a encaissé, sans le moindre problème, le départ et le retour de Naybet. Comme en 2004, nos joueurs sont conscients “qu’il y a un truc à faire”. Ils auraient bien voulu que le truc en question soit une coupe du monde, mais elle leur est passée sous le nez. On a l’habitude de dire que les grandes équipes se construisent sur des défaites. Espérons que ce soit le cas avec le plantage de Radès. Les premiers contacts entre le groupe et M’hammed Fakhir se sont bien passés. Certains professionnels se sont même dits étonnés par le bagage tactique du nouvel entraîneur. Le coach a préparé une liste de 23 joueurs, surprenante mais cohérente. Il a finalement gardé les militaires Ouchella et Abdessadek, tout comme le wydadi Madihi et Armoumen. Exit Karim Boukhari, donc, tout comme Tarik Sektioui – même pas présent dans la première liste. Deux professionnels qui jouent dans d’excellents clubs hollandais mais qui n’ont jamais rien prouvé chez les Lions. Plus de passe- droit, message clair. Nous avons affaire à un coach qui sait ce qu’il cherche, mais qui est prêt à admettre ses erreurs, comme il l’a prouvé au cours de l’affaire Zaïri (le joueur sochalien ne figurait pas sur la première liste, il a été convoqué après le refus de Zerka de rejoindre la sélection). Tout ceci forme un groupe cohérent et ambitieux, capable de développer un beau football. Le match amical contre le Congo (3-0 à Rabat) a laissé entrevoir de belles possibilités dans le jeu des Lions : rapide et technique, avec une utilisation maximale des couloirs. Une défense à quatre, avec Talal et Naybet dans l’axe, et une attaque à trois pointes (Aboucharouane et Zaïri venant alimenter Chamakh en ballons). Contre la Côte d’Ivoire ou l’Egypte, il est possible que Fakhir sacrifie un attaquant pour aligner un troisième défenseur central, en l’occurrence Ouaddou. C’est l’option deux, plus prudente.

Concrètement, que peut-on attendre de cette équipe ? Philippe Troussier, a qui on peut reprocher beaucoup de choses sauf de ne pas connaître le football, avait déclaré qu’il y avait huit équipes susceptibles de gagner la CAN et que le Maroc en faisait partie. Cela reste vrai, malgré une préparation catastrophique.

Nos soucis :

Lorsqu’on regarde l’effectif des lions, on ne peut s’empêcher d’avoir une petite inquiétude du côté du gardien de but. Entre Mustapha Chadli, Nadir Lamyaghri et Tarik Jarmouni (probable titulaire), il n’y a pas une grande différence de niveau. Trois gardiens corrects mais tous capables d’une bourde dans un instant décisif. C’est quasiment devenu une tradition chez nous depuis les performances de Driss Benzekri. Notre défense, elle, est solide, mais on peut regretter que les remplaçants ne soient pas au niveau des titulaires. Amine Rbati ou Houssine Ouchella sont loin de Talal, Naybet et Ouaddou. Quand aux latéraux, on ne voit pas très bien qui peut remplacer Walid Regragui en cas de blessure. C’est là le souci principal pour cette compétition : M’hammed Fakhir n’a pas eu le temps d’effectuer les essais souhaités, ni d’explorer les solutions de rechange en cas de coup dur. Il a été contraint de donner sa liste dix jours à peine après sa prise de fonction. Les trois matches amicaux (Congo, puis Zimbabwe le samedi et Angola le lundi) constituent en fait un strict minimum pour se familiariser avec le groupe. Autre souci : nos joueurs sont souvent remplaçants en clubs. Abdeslam Ouaddou, Badr Kaddouri, Youssef Safri sont probablement les seuls titulaires indiscutables dans leur club. L’équipe manque donc de compétition. Ce qu’elle compense par un état d’esprit revanchard : imaginez que la Grèce, en 2004, avait gagné l’Euro avec une équipe de remplaçants…

Nous ne reviendrons pas sur la façon folklorique dont notre fédération a choisi de préparer la CAN. Pour rester positifs, on peut toujours rappeler qu’en 1992, l’équipe du Danemark, convoquée pour l’Euro à la dernière minute en raison de l’exclusion de la Yougoslavie avait gagné la compétition avec des joueurs qu’on avait arraché à leurs vacances. C’est donc possible. Maintenant qu’on a rappelé cette histoire, on peut quand même se poser des questions sur l’incroyable incapacité de notre fédération à faire son boulot, ou plutôt sur sa capacité à saboter notre football. Lundi, lors du match contre le Congo, elle se couvre de ridicule en se mélangeant les pinceaux sur les couleurs des maillots. Bilan : 45 minutes de ridicule international en direct à la télévision. Mardi matin, la même fédération plante certains joueurs à la Maâmora sans transport, avant d’oublier de réserver leur hôtel à Casablanca, et laisse tout ce petit monde patauger entre coups de téléphone et grands taxis. Toujours la même journée, Fakhir pousse un coup de gueule légitime : il n’a toujours pas signé son contrat de travail… Voilà un extrait au hasard des bourdes de la FRMF. Et rien n’indique que les choses aillent en s’améliorant, bien au contraire. Et c’est là bien sur notre souci principal.

Nos adversaires :

Nous aurons à affronter, dans l’ordre, la Côte d’Ivoire, l’Égypte et la Libye au cours d’un premier tour qui n’aura rien d’une formalité. Par hasard, il se trouve que nos trois adversaires étaient déjà dans le même groupe lors des éliminatoires, accompagnés du Cameroun. Ces équipes se connaissent donc très bien, elles ont des comptes à régler…

Côte d’Ivoire (match le 21 janvier) : Un gros morceau pour commencer. La Côte d’Ivoire, bien sûr, c’est avant tout l’équipe de Didier Drogba. En deux ans à peine, le puissant attaquant de Chelsea s’est hissé au top niveau mondial (en 2003, il jouait encore à Guingamp). Il a également su entraîner dans son sillage son équipe nationale, qui a décroché une première qualification au Mondial 2006 historique aux dépens du Cameroun. Mais Drogba n’est pas seul. Il sera épaulé en attaque par Arouna Kone, qui a marqué 7 buts en 13 matches cette saison pour le PSV Eindhoven. Citons également les milieux de terrain Akale et Kalou, tous deux titulaires indiscutables à Auxerre et au Paris Saint Germain, et enfin le défenseur d’Arsenal Kolo Toure. Ajoutez-y pour terminer l’entraîneur Henri Michel, grand connaisseur du Maroc et vous obtiendrez une équipe très solide, mais qui a peut-être l’esprit ailleurs. Il semblerait en effet que la CAN ne soit pas une priorité pour un effectif de professionnels tournés vers la Coupe du Monde allemande.

Égypte (match le 24 janvier) : Une double statistique pour commencer : l’égypte a gagné quatre coupes d’Afrique des Nations…dont deux à domicile. Il ne faut pas chercher plus loin le favori numéro un de la compétition. Comme d’habitude, elle compte sur ses joueurs locaux…et sur les divers avantages auxquels peut prétendre un pays organisateur : public mobilisé, arbitres compatissants, terrains de qualité. En plus de tout cela, il y a Mido. L’attaquant bellâtre s’est refait une belle santé à Tottenham après un passage marseillais loupé : déjà 9 buts cette saison, soit mieux que Didier Drogba. Il va falloir être très fort pour tenir tête à l’égypte. Pourtant, nous sommes les mieux placés. Il faut savoir que depuis 1986, l’égypte ne nous a jamais battus. Vingt ans de défaites, cela commence à ressembler sérieusement à un complexe. à nous de l’entretenir…

Libye (match le 28 janvier) : La Libye, c’est un mystère complet. Aucune info sur cette équipe, si ce n’est qu’elle a terminé quatrième de son groupe, derrière la Côte d’Ivoire, le Cameroun et l’égypte… Le football libyen, vu de l’extérieur, s’est longtemps limité aux frasques de Al Saadi Khaddafi, le fils du patron. A la fois Président de la Fédération de foot libyenne (mail : libyaff@hotmail.com), actionnaire-joueur du club italien de Pérouse, titulaire dans l’équipe nationale et candidat avorté à la présidence de la FIFA, ce personnage étonnant a rejoint l’anonymat, il y a environ une année. Il avait été coincé pour dopage alors qu’il se trouvait sur le banc de touche de Pérouse ! à part ces ridicules exploits, rien sur le football libyen… Un palmarès totalement vierge. Bref, le profil-type de l’équipe qui n’a rien à perdre.

Telquel.

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