L’épidémie de grippe aviaire, dont l’homme peut souffrir, continue sa progression en Russie. Après l’Altaï, les autorités russes ont annoncé que la région de Tioumen, en Sibérie occidentale, venait d’être touchée. Ce nouveau foyer d’infection se trouve à plus de 700 km à l’ouest de la région de Novossibirsk, le foyer initial. Comme l’avaient prédit des chercheurs chinois au début du mois de juillet, le virus a été amené d’Asie par les oies et canards qui migrent à cette saison. L’épidémie russe n’a encore fait aucune victime humaine.
En effet, le virus ne s’est pour l’instant, en Asie du Sud-Est, transmis qu’à des hommes en contact avec des volailles contaminées. Pas d’homme à homme. Mais ce virus, nommé H5N1, pourrait devenir transmissible tout comme celui de la grippe espagnole qui, en 1918-1919, fit vingt millions de morts. Les chercheurs estiment que, par exemple, si un homme déjà touché par la grippe commune contractait le virus de la grippe aviaire, les deux virus pourraient combiner leur patrimoine génétique. Et former un nouveau virus «mutant» très contagieux et potentiellement mortel. Il pourrait conduire à une pandémie, c’est-à-dire une épidémie à l’échelle planétaire.
Ce scénario catastrophe pourrait néanmoins être évité en prenant des mesures rapides et ciblées. Deux études (1) ont modélisé une éventuelle pandémie dans une zone rurale de l’Asie du Sud-Est. «Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, nous avons une chance de stopper l’extension d’une nouvelle souche de virus à sa source», estime une équipe américano-thaïlandaise dirigée par Elizabeth Halloran dans la revue Science. De son côté, le chercheur anglais Neil Ferguson et son équipe qui regroupe des chercheurs britanniques, américains, thaïlandais et français, dont les travaux sont publiés aujourd’hui dans Nature, pense qu’il existe «une stratégie applicable pour circonscrire la prochaine pandémie de grippe et ainsi éviter des millions de morts». Selon eux, «la circonscription de la pandémie est faisable en combinant mesures d’isolement et utilisation d’antiviraux». Il faut savoir que des médicaments antiviraux, comme le tamiflu, existent. Néanmoins, les stocks ne permettent pas de le distribuer de manière préventive à toute la population. En cas de pandémie, il faudra en faire un usage stratégique en attendant le renouvellement des stocks.
Première mesure : la détection rapide du foyer d’infection. Une fois celui-ci identifié, les personnes infectées ainsi que leurs entourages devront bénéficier d’un traitement dans les quarante-huit heures. Il faudrait ensuite distribuer dans les deux à trois semaines des traitements à plus de 90% de la population de la région. Ainsi, dans la zone rurale étudiée, près de 500 000 personnes devront être traitées. Pour cela, le pays doit disposer d’au moins trois millions d’antiviraux. Dans tous les cas, le traitement viral doit être combiné avec des mesures de sécurité pour réduire la propagation du virus : fermeture des écoles, des lieux de travail, arrêt des transports en commun, bouclage de la zone d’infection.
L’étude publiée dans Science estime que grâce à ces mesures, «l’épidémie pourrait au moins être ralentie en attendant la mise au point d’un vaccin». En effet, tant que le nouveau virus n’est pas apparu, il est impossible de mettre au point un vaccin. Mais selon Neil Ferguson, «la surveillance est sans doute le défi le plus important». Il souligne que «les pays de la zone à risque ne sont pas préparés de la même manière. Si la Thaïlande est l’un des pays les mieux équipés, ses voisins vont devoir développer de manière considérable leurs structures de soins ainsi que leur réseau de surveillance». Si des pays comme la France ont déjà mis en place des mesures similaires, le chercheur insiste sur une coopération internationale accrue. En effet, «une stratégie menée par un seul pays perdrait beaucoup en efficacité. Il est important que toute la communauté internationale se mobilise pour aider les pays de cette région à se doter d’infrastructures aptes à endiguer la pandémie».
(1) «Strategies for containing an emerging influenza pandemic in Southeast Asia», Nature, 3 août 2005. «Containing pandemic influenza at the source ; supporting online material», Science, 12 juillet 2005.
source: lefigaro.fr