La publication de ces caricatures remonte au mois de septembre 2005, lorsque le journal conservateur danois Jyllands-Posten, le plus lu du Danemark, voulait tester l’autocensure des dessinateurs sur le thème de l’islam. Leur reprise le 10 janvier 2006 par un autre journal norvégien (Magazinet) a relancé l’affaire et exacerbé la tension dans tout le monde musulman. La représentation imagée du Prophète étant formellement interdite en Islam.
Le gouvernement (danois) ne peut influer en aucun cas sur les médias, et il ne peut, pas plus que le Danemark en tant que nation, être tenu pour responsable de ce qu’écrivent des journaux indépendants, avait déclaré le Premier ministre danois, Anders Fogh Rasmussen. Devant l’intransigeance du gouvernement danois de faire pression sur la publication incriminée pour présenter des excuses au monde musulman, prétextant de la liberté d’expression, l’indignation a monté d’un cran.
Pendant tout le week-end, les messages et les manifestations de protestation et d’indignation s’étant multipliés un peu partout dans le monde. « Les offenses publiées relèvent de l’extrémisme culturel, et non pas de la liberté d’expression », a rétorqué le ministre émirati de la Justice.
Des voix se sont élevées pour appeler à des sanctions économiques et au boycott des produits provenant de ces deux pays. La Libye a d’ores et déjà annoncé la fermeture de son ambassade à Copenhague, alors que l’Arabie Saoudite a rappelé son ambassadeur dans la capitale danoise et le gouvernement koweïtien compte convoquer l’ambassadeur du Danemark accrédité auprès du Koweït.
A Gaza, une dizaine d’hommes armés ont manifesté lundi devant les bureaux de l’Union européenne, tandis qu’à Nouakchott, quelques centaines de personnes ont protesté dimanche accusant les gouvernements danois et norvégien de complicité avec les auteurs, commanditaires et éditeurs.
Dans la foulée, l’Union des chambres de commerce en Egypte, qui représente quelque 3,5 millions de commerçants égyptiens, a annoncé le boycottage des produits danois. Sur Internet, des messages commencent à circuler appelant au boycott de toute une liste des produits danois et norvégiens.
Cette affaire, la plus grave dans l’histoire contemporaine du Danemark, s’est imposée lundi lors d’un conseil des ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne à Bruxelles. La Commission européenne a averti qu’elle pourrait saisir l’Organisation mondiale du commerce si des gouvernements encourageaient le boycottage des produits danois. « Un boycottage du Danemark serait un boycottage de l’UE », a prévenu le commissaire au commerce Peter Mandelson.
L’Organisation de la conférence islamique (OCI) et la Ligue arabe ont affirmé dimanche qu’elles envisageaient de demander à l’ONU l’adoption d’une résolution « contraignante, interdisant le mépris des religions et prévoyant des sanctions contre les pays ou les institutions qui enfreindraient cette résolution». Amr Moussa, SG de la Ligue Arabe, a déploré lundi à Tunis la politique de deux poids, deux mesures. « Les médias européens ne peuvent pas traiter de la même manière des sujets touchant à Israël et à l’histoire des juifs, de peur d’être taxés d’antisémites.»
Face à l’ampleur qu’a pris cette « bêtise danoise », Jyllands-Posten publie à la Une de son site Internet une lettre en arabe signée par le directeur de la publication, destinée aux citoyens arabes, dans laquelle il réitère ses regrets, tout en demeurant attaché à la liberté d’expression.