Téhéran retire ses devises d’Europe.

L a confusion régnait en Iran au sujet d’un transfert de réserves en devises iraniennes d’Europe vers les pays d’Asie du Sud-Est, le vice-président de la Banque centrale ayant démenti samedi 21 janvier un tel transfert évoqué par son supérieur.

A l’heure actuelle, l’Iran n’a aucun plan pour transférer ses réserves en devises (des banques européennes) vers ces pays d’Asie du Sud-Est, a déclaré le vice-président de la Banque centrale, Mohammad Jafar Mojarad, chargé des avoirs en devises, cité par l’agence officielle iranienne Irna.

La politique de gestion des réserves en devise (…) se poursuit comme par le passé et ce qui a été rapporté récemment de la part de la Banque centrale est démenti, affirme par ailleurs un communiqué de l’institution cité par l’agence estudiantine Isna.

Le président de la Banque centrale, Ebrahim Sheibani, cité vendredi par les agences de presse iraniennes, a déclaré en réponse à une question sur un transfert des réserves en devises vers l’Asie du Sud-Est: Nous transférons nos réserves de tous les secteurs, notamment les réserves (provenant de recettes pétrolières), là où nous le jugeons nécessaire.

Téhéran n’oublie pas le gel de ses avoirs aux Etats-Unis après la prise d’otages en 1979 à l’ambassade américaine dans la capitale iranienne.

Entre 40 et 50 milliards

D’après trois spécialistes financiers s’exprimant sous couvert de l’anonymat, le montant des réserves iraniennes en devises est estimé entre 40 et 50 milliards de dollars, tandis qu’un quatrième expert juge plus probable qu’il tourne autour de 25 à 30 milliards de dollars.

Selon Steve Barrow, de Bear Stearns à Londres, il est extrêmement difficile d’évaluer les sommes concernées par le transfert. Les dernières données du Fonds monétaire international (FMI) indiquent que l’Iran détient entre 35 et 40 milliards de dollars d’avoirs à l’étranger. Mais le problème pour le marché est de savoir où ils pourraient se trouver.

Peter Westin, économiste en chef pour la MDM Bank à Moscou observe pour sa part que les bonnes relations entre l’Iran et la Russie font de la capitale russe une destination possible de ces réserves iraniennes. L’Asie et le Proche-Orient seraient aussi des possibilités. Cependant, si les Nations unies décidaient de sanctions contre l’Iran, ces pays y seraient associés.

Un instrument de pression en moins

Pour la plupart des experts, il est ainsi difficile de se prononcer sur les effets de la décision de Téhéran sur le secteur bancaire européen ou sur la possibilité que d’autres pays du Moyen-Orient emboîtent le pas à Téhéran en vue de saper des pays jugés hostiles.

Mais pour Stuart Eizenstat, qui a travaillé sur les questions des sanctions sous les administrations démocrates Carter et Clinton, l’action de Téhéran pourrait écorner la résolution de l’Europe visant à s’assurer que l’Iran n’acquiert pas d’armes nucléaires.

C’est un instrument de pression en moins, a-t-il estimé dans un entretien, ajoutant que le principal levier iranien sur les Européens résidait dans les 5,5 millions de barils de pétrole qu’il produit chaque jour, la plus grande partie destinée à l’exportation. Les gens ont peur d’un boycottage, observe Eizenstat, spécialiste des transactions commerciales internationales pour la firme Covington & Burling à Washington. Certains, en Europe, redoutent selon lui de s’égorger si un régime de sanctions comprend une interdiction sur les importations de pétrole iranien.

A Washington, le porte-parole du Département d’Etat a estimé que l’Iran s’isolait un peu plus du reste du monde en retirant ses réserves en devises des banques européennes. Je ne sais pas ce que (Téhéran) espère accomplir en agissant ainsi, a déclaré Sean McCormack.

Front uni

Dans ce dossier, la communauté internationale doit avoir une stratégie bien déterminée, très précise et présenter un front uni, a jugé vendredi le chef de la diplomatie italienne Gianfranco Fini dans un entretien à l’Associated Press.

De son côté, le chef de l’agence russe à l’énergie atomique Sergueï Kiriyenko a affirmé que l’Iran était prêt à discuter en détail de la proposition qui lui a été faite de procéder à l’enrichissement de son uranium en Russie, selon l’agence RIA-Novosti.

Cette proposition, par laquelle l’uranium serait enrichi en Russie pour son utilisation dans les réacteurs iraniens, vise à empêcher Téhéran de produire son propre uranium à des niveaux plus élevés pouvant éventuellement aboutir à la fabrication d’armes nucléaires.

AP

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