Les dirigeants ont en revanche convenu de renoncer à la date butoir initialement fixée au 1er novembre 2006 pour achever les ratifications et se sont abstenus d’arrêter une nouvelle échéance, afin de se ménager une période de réflexion. Nous constatons qu’après le non français et le nee néerlandais, la date de novembre 2006 n’est plus tenable parce que ceux qui n’ont pas ratifié n’ont pas été en mesure de nous fournir une réponse avant la mi-2007. Par conséquent, il faut donner du temps au temps, a expliqué Jean-Claude Juncker.
Le premier ministre luxembourgeois a par ailleurs exclu la possibilité de renégocier le traité. Il ne saurait y avoir ne fût-ce que la perspective d’une renégociation prochaine du traité constitutionnel, a déclaré M. Juncker. Le processus de ratification poursuit son chemin, et il n’y aura pas de renégociation parce qu’il n’y avait jamais de plan B, a-t-il poursuivi. Mais il y a un plan D de dialogue et de débat.
Une réflexion sera menée parallèlement sur les raisons de ce rejet et les pays qui veulent ratifier le traité par voie parlementaire pourront le faire pendant cette période, mais ceux qui le feront par référendum auront besoin de plus de temps. Les Vingt-Cinq entendent se revoir au premier semestre de 2006, sous présidence autrichienne, pour faire le bilan de cette réflexion et des ratifications.
Sur la question de l’élargissement, M. Juncker a assuré qu’il n’était pas question de remettre en cause l’adhésion, prévue en 2007, de la Roumanie et de la Bulgarie. Les traités ont été signés, ils seront respectés dans leur intégralité, a-t-il déclaré. La Roumanie et la Bulgarie ont signé le 25 avril à Luxembourg leur traité d’adhésion à l’UE. Les deux pays doivent théoriquement rejoindre l’Union le 1er janvier 2007, mais les 25 conservent la possibilité de reporter cette entrée d’un an, au 1er janvier 2008, en cas de retard de préparation de Sofia ou Bucarest.
Concernant la Turquie, la plupart des 25 chefs d’Etat et de gouvernements partagent l’opinion que les engagements pris ces dernières années doivent être respectés, a poursuivi M. Juncker.
REPORT DANOIS
A la suite de l’accord des Vingt-Cinq, le Danemark a annoncé le report de sa consultation populaire. Le projet de référendum prévu le 27 septembre est ajourné. Une nouvelle date n’a pas été arrêtée, a déclaré aux journalistes le chef du gouvernement de Copenhague, Ander Fogh Rasmussen.
Les Irlandais ne seront pas non plus appelés aux urnes cette année, selon une source proche du gouvernement irlandais. L’Irlande n’organisera pas son référendum comme prévu à l’automne 2005 mais le repoussera à 2006, a-t-on précisé.
M. Juncker a quant à lui indiqué qu’il reviendra au Parlement du Luxembourg de décider d’un report éventuel du référendum prévu le 10 juillet sur la ratification de la Constitution.
Le premier ministre tchèque, Jiri Paroubek, va de son côté proposer aux partis politiques de son pays de repousser à la fin 2006 ou au début 2007 un référendum sur la Constitution européenne, a-t-il annoncé en marge du sommet.
Ce report de la date butoir permet de donner du temps aux pays qui ont été gagnés par une dynamique du non comme la République tchèque, le Danemark, l’Irlande, le Portugal ou le Luxembourg. Mais les pays qui entendent ratifier le texte prochainement pourront le faire. Ce sera une période pendant laquelle il n’y aura pas de décision prise sur le sort final de la Constitution. Elle se terminera par un rendez-vous qui servira à statuer de son sort, a précisé un diplomate européen.
Si aucun des dirigeants n’a demandé une renégociation de la Constitution, les discussions ont mis en évidence un gouffre entre ceux qui pensent, comme le premier ministre suédois, Göran Persson, qu’il faut à tout prix sauver la Constitution et ceux, comme le premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, qui estiment qu’elle ne pourra jamais entrer en vigueur.
Intervenant pour la première fois devant ses pairs depuis le référendum français du 29 mai, le président Jacques Chirac a de son côté réclamé un sommet extraordinaire pour engager une réflexion de fond sur l’avenir de l’Union européenne et celui de chacune de nos nations. Ce sommet pourrait se tenir fin 2005 ou début 2006, selon l’entourage du président.
Jacques Chirac a également remis en cause la poursuite de l’élargissement, en expliquant que, sans Constitution, l’Europe ne dispose pas des institutions capables de faire fonctionner efficacement cette Union élargie, selon un document de travail rendu public par la délégation française.
APPEL AU SENS DES RESPONSABILITÉS
Le climat du sommet est encore alourdi par les querelles de boutiquiers sur le futur budget de l’Union européenne pour les années 2007-2013. M. Juncker a laconiquement dit à son arrivée être armé pour de durs débats, sur fond d’affrontement entre Tony Blair et Jacques Chirac à propos du devenir du rabais accordé depuis 1984 au Royaume-Uni.
Jeudi soir, le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, a jugé inacceptables les dernières propositions de compromis de M. Juncker. Ce dernier a maintenu son projet de geler le rabais britannique à partir de 2007, mais il a abandonné l’idée de le diminuer ensuite. Il a en outre suggéré que son évolution après 2013 soit liée à celle des dépenses de la politique agricole commune (PAC). Les propositions de la présidence ne sont pas acceptables pour nous, a prévenu M. Straw.
Isolé sur le rabais, Tony Blair veut lier la discussion à une révision des coûts de la PAC, sur laquelle M. Chirac, appuyé par le chancelier allemand, Gerhard Schröder, exclut de transiger. Le Royaume-Uni a décidé de camper sur une position dure. On n’a pas besoin d’un accord à ce sommet, les choses peuvent continuer, a affirmé le porte-parole de M. Blair.
De nombreux responsables européens craignent qu’un échec sur le budget aggrave la crise ouverte de l’Union, renforçant le scepticisme sur l’avenir de l’intégration européenne. C’est la raison pour laquelle le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a appelé les 25 au sens des responsabilités et du compromis.
Le Suédois Göran Persson s’est montré très pessimiste. Je ne pense pas qu’il y aura un accord sur le budget. Les divergences sont trop grandes, a-t-il déclaré.
Outre la question du rabais britannique, d’autres obstacles se dressent sur la voie d’un accord budgétaire, notamment la volonté des Pays-Bas de verser moins d’argent au pot commun des 25. Encore plus inflexibles depuis le référendum sur la Constitution, les dirigeants néerlandais ont estimé jeudi que le projet de compromis luxembourgeois n’était absolument pas acceptable pour les Pays-Bas. Quant à l’Italie, qui craint de perdre plusieurs milliards d’euros d’aides au Mezzogiorno défavorisé, elle menace d’opposer son veto.
source:lemonde