Les secrets sortent de Langley (l’adresse de l’agence) comme s’il n’y avait plus de barrière, sous la forme de tuyaux glissés à des journalistes amis, ou sous la forme de livres écrits par les espions eux-mêmes.
Le Temps donne pour preuve les fuites à propos des prisons clandestines en Europe, dont l’existence a été révélée par le Washington Post, et les écoutes de la National Security Agency (NSA) aux Etats-Unis, dévoilées après beaucoup d’hésitations par le New York Times. La semaine dernière, l’hebdomadaire Time, pour sa part, révélait sur son site Internet que Porter Goss allait donner un tour de vis pour mettre fin à cette hémorragie. Le directeur de la CIA a organisé la semaine passée à Langley une réunion du personnel : le bavardage des agents devait cesser, des mesures allaient être prises pour renforcer les règles du secret au sein de la CIA. Résultat, ironise Le Temps, une nouvelle fuite !
La CIA est fracturée depuis longtemps par les courants politiques, et la guerre a mis du sel sur les plaies, constate le quotidien suisse. Beaucoup d’agents considèrent qu’ils ont fait honnêtement leur travail. Mais leurs doutes sur l’armement non conventionnel de Saddam Hussein et leurs avertissements sur les difficultés de l’après-guerre ont été écartés par les politiques – dans l’agence et à Washington –, qui avaient décidé depuis longtemps d’intervenir en Irak. Le moral parmi les cadres, dit l’un d’eux, ‘est aussi bas que la merde de baleine au fond de l’océan’.
Ainsi, rapportait Time sur son site, parler en confiance à un agent de la CIA devient difficile, car on peut redouter que ces confidences finissent quelques années plus tard dans les librairies, lorsque l’agent aura écrit ses mémoires, ce qui est semble-t-il devenu un des passe-temps favoris des hommes de la CIA.
L’agence ne reste donc pas les bras croisés, note Le Temps : Désormais, les officiers en fonction ne pourront plus publier de livre, et les retraités devront soumettre leur manuscrit à une sévère censure. Et plusieurs enquêtes internes sont en cours, notamment sur les affaires de prisons secrètes et d’écoutes de la NSA.
Et, pour protéger ses secrets, la CIA se bat jusqu’au Congrès, ajoute encore le quotidien suisse. La loi encadrant l’action de l’agence de renseignements vient d’échouer devant le Sénat, en raison de l’obstruction d’un élu téléguidé. Le texte contenait des amendements qui étaient intolérables pour Langley et pour la Maison-Blanche, obligeant notamment les services de renseignements américains à soumettre un rapport sur les prisons secrètes aux commissions du renseignement du Congrès. Autrement dit, au public.
Courrier international.