Pour la mission internationale chargée de veiller au respect de la trêve conclue en 2002, cet assassinat d’un proche de la présidente Chandrika Kumaratunga est susceptible de relancer la guerre civile, qui a fait plus de 64.000 morts depuis 1983.
La proclamation de l’état d’urgence permet au gouvernement de déployer librement l’armée sur le terrain.
Kadirgamar est mort dans la nuit de vendredi à samedi, quelques heures après avoir été victime d’un tireur isolé, croit savoir la police.
Nous condamnons avec fermeté cet acte qui, selon des sources au sein des services de sécurité, a été commis par les LTTE, a déclaré le Premier ministre Mahinda Rajapaksa, en se référant au sigle des Tigres de libération de l’Eelam Tamoul.
Kumaratunga a pour sa part évoqué la responsabilité d’ennemis politiques tandis que la police a directement pointé du doigt les séparatistes tamouls.
Le chef de l’aile politique des LTTE a cependant convoqué des journalistes dans le fief rebelle de Kilinochchi, pour démentir toute implication de son mouvement et inviter le gouvernement à rechercher les coupables dans ses rangs.
UN TRAÎTRE AUX YEUX DES REBELLES
Immédiatement après l’assassinat de Kadirgamar, le gouvernement, l’armée et la police ont commencé à accuser les LTTE de cet assassinat, a réagi S.P. Thamilselvan. Ils sont en train de créer des subterfuges pour laisser les assassins s’en tirer comme d’habitude. Nous condamnons fermement cet acte.
Les rebelles tamouls accusent l’armée de soutenir une faction dissidente du mouvement séparatiste chargée de les éliminer.
Pour Iqbal Athas, expert de la revue spécialisée Jane’s Defense Weekly, le démenti des Tigres n’a aucune valeur. Il rappelle notamment que des rebelles présumés ont été arrêtés, deux semaines avant l’assassinat de Kadirgamar, alors qu’ils filmaient la résidence du ministre des Affaires étrangères.
Un important responsable politique lié aux Tigres a déclaré que la victime, elle-même d’origine tamoule, était considérée comme un traître. Il a ajouté que l’instauration de l’état d’urgence risquait de relancer la guerre civile.
Ses initiatives en faisaient depuis le début un traître aux yeux des Tamouls, a déclaré à Reuters M.K. Sivajilingam, député de l’Alliance nationale tamoule, connu pour ses positions radicales. Le président a déclaré l’état d’urgence, ce qui témoigne de la volonté du gouvernement de créer une situation de simili-guerre.
Kadirgamar, qui était l’un des principaux conseillers du chef de l’Etat dans les négociations de paix et passait pour un partisan d’une ligne dure, figurait en bonne place sur la liste rebelle des personnalités à abattre.
OBSÈQUES NATIONALES LUNDI
Kumaratunga se serait effondrée en larmes alors que les chirurgiens tentaient de sauver son ministre, a rapporté sous le sceau de l’anonymat un mmebre du gouvernement.
La présidente a qualifié Kadirgamar de héros de notre temps et elle a décrété une période de deuil national. Des obsèques nationales seront célébrées lundi.
Les Tigres, qui se disent victimes de discrimination de la part d’un gouvernement dominé par la majorité cinghalaise, se battent pour la création d’un Etat tamoul dans le nord et l’est de l’île.
Le Norvégien Hagrup Haukland, chef de la mission d’observation qui supervise le cessez-le-feu, a jugé la trêve sérieusement menacée. C’est un coup très grave, a-t-il dit. C’est l’incident le plus grave à notre avis en trois ans et demi de cessez-le-feu. Je suis sûr que le cessez-le-feu est plus menacé que jamais, j’espère vraiment qu’il tiendra.
D’après des sources proches de la police, les enquêteurs pensent que le ministre a été abattu par un tireur isolé qui a ouvert le feu de la fenêtre d’une maison située en face du domicile de sa victime. Deux suspects auraient été interpellés après les tirs.
Trois autres personnes ont été tuées vendredi à Colombo dans des incidents distincts mais tous imputés par la police aux rebelles tamouls. Parmi les victimes figurent une présentatrice de télévision, d’origine tamoule, et son époux, lié à des groupes paramilitaires opposés aux Tigres.
Cette vague de violences intervient dans un climat de tension accrue entre le gouvernement et les LTTE, qui ont menacé à plusieurs reprises de relancer le conflit en raison de la poursuite des violences dans l’est de l’ancienne île de Ceylan.
Chacune des deux parties rejette sur l’autre la responsabilité de ces violences.
source: lexpress.fr