Depuis dix ans, Moscou et Téhéran ont renforcé leurs liens, suscitant l’irritation des États-Unis et l’inquiétude des Européens. Leurs échanges commerciaux se sont ainsi développés, y compris en matière d’armement.
Outre ses intérêts commerciaux, la Russie considère ses relations avec l’Iran comme une carte importante pour réaliser son objectif de «multipolarité» en politique étrangère, destiné à contrebalancer l’influence des États-Unis dans le monde.
Les liens entre Moscou et Téhéran «répondent aux intérêts de nos pays et contribuent à la paix et à la stabilité mondiale», affirmait le président russe Vladimir Poutine l’an dernier en félicitant l’ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad pour son élection à la présidence iranienne.
L’Iran semble sur la même longueur d’onde. Son ambassadeur à Moscou Gholamreza Ansari a déclaré hier que les spéculations sur un éventuel renvoi du dossier nucléaire iranien au Conseil de sécurité de l’ONU «visent à saper le facteur de stabilisation dans la région».
La Russie se dit convaincue que le programme iranien poursuit des objectifs uniquement pacifiques. Alors que les États-Unis et d’autres accusent Téhéran de vouloir se doter de l’arme atomique sous couvert de nucléaire civil.
L’Occident avait fait pression sur la Russie en 1995 pour qu’elle renonce à achever la construction d’un réacteur nucléaire à Bushehr (sud iranien). Mais Moscou a signé le contrat, et les 800 millions de dollars à la clé ont sans doute pesé dans sa décision, à l’heure des graves difficultés économiques d’après l’éclatement de l’URSS.
Pour l’Iran, ce contrat était un pas vers la crédibilité internationale. Commencée par une entreprise allemande, la construction du réacteur de Bushehr a cessé durant la révolution islamique en 1979 et a ensuite avancé au ralenti.
Sur fond de protestations américaines, Moscou a passé l’an dernier un accord prévoyant que le combustible usagé provenant du site sera renvoyé en Russie afin d’empêcher une éventuelle utilisation en Iran à des fins militaires.
Mais de nouvelles complications sont apparues. La semaine dernière les Iraniens ont retiré les scellés de leur centre d’enrichissement d’uranium de Natanz (centre), provoquant un regain de tension avec les Occidentaux.
Avant même ce nouveau défi, Moscou avait proposé de transférer les activités iraniennes d’enrichissement en Russie, pour sortir de l’impasse. À ce jour, Téhéran n’a pas accepté l’offre russe, ce qui n’a pas manqué d’irriter le Kremlin. Mais la Russie refuse pour le moment de se rallier à la menace brandie par les Américains et les Européens d’une saisine du Conseil de sécurité en vue d’éventuelles sanctions.
Des sanctions économiques contre l’Iran pourraient porter préjudice à la Russie: le commerce entre les deux pays représente un montant annuel de deux milliards de dollars américains.
Moscou espère également tirer profit de ses bonnes relations avec l’Iran pour s’entendre à terme avec Téhéran sur une répartition des gisements de pétrole de la mer Caspienne, dont les deux pays sont riverains. Enfin, ses liens avec Téhéran permettent à Moscou d’être perçu favorablement dans le monde musulman, malgré le conflit en Tchétchénie.
AP