Déjà la psychose de la grippe aviaire gagne du terrain plus vite que la menace venue du ciel. Jamais sans doute, un simple vol d’oiseaux migrateurs n’aura suscité une telle méfiance et autant d’inquiétudes. Mobilisation des politiques, sensibilisation du public, stockage des anti-viraux et alarmisme des experts sanitaires, tout concourt à faire grimper la fièvre.
La grippe aviaire n’est pas contenue en Roumanie, de nouveaux cas ont été détectés hier, une mauvaise nouvelle de plus le jour de la réunion des ministres des Affaires étrangères des Vingt-cinq à Luxembourg. Car le virus de la grippe aviaire ne s’est pas arrêté aux frontières de l’Union européenne.
Les mesures drastiques adoptées par Bucarest, la mise en quarantaine des villages touchés par le virus et le nettoyage systématique des véhicules qui en sortent, ou encore prévoir du poulet pour la rupture du jeûne, exemple donné par le Premier ministre turc, ne suffiront sans doute pas à calmer l’inquiétude. Une seule question monopolise l’attention: qui… après la Russie, la Turquie, la Roumanie et la Grèce ?
Alors que Bucarest abat les volailles à tour de bras, une partie de la population roumaine s’inquiète d’un hiver sans nourriture. En Turquie, toutes traces des volailles contaminées ont été effacées.
Après l’Union européenne, dont les représentants doivent se réunir à deux reprises dans les prochains jours, c’est au tour des pays du pourtour méditerranéen de s’alarmer.
Immanquablement, poursuivant leur migration, les oiseaux porteurs du virus finiront par atteindre les rives du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord. Dans des pays peu préparés à faire face à un fléau sanitaire, l’inquiétude des autorités européennes et mondiales commence à faire tache d’huile.
Ce qui est certain, c’est qu’il faut se préparer comme si la pandémie était pour demain. La présence de la maladie est suspectée dans plusieurs foyers en Europe.
Une pandémie de grippe humaine d’origine aviaire émergera un jour ou l’autre, mais tout dépend de l’échelle de temps sur laquelle on se situe.
Les experts internationaux pensent qu’à un moment donné, le virus de la grippe aviaire va se combiner avec un virus de la grippe humaine et deviendra alors facilement transmissible d’un humain à l’autre. Le Maghreb n’est pas totalement à l’abri eu égard à la proximité géographique et à la migration des oiseaux de l’Europe vers l’Afrique pour hiverner (fuir notamment le froid hivernal sévissant dans les régions enneigées où la nourriture se raréfie) et se reproduire dans des aires à climat tempéré et clément.
Le Maroc au même titre que les autres pays du Maghreb et du monde ont pris toutes les mesures qui s’imposent et élaboré à cet effet des plans d’action. Or les précautions prises au niveau de chaque pays, ne sauraient exclure l’action commune aux niveaux régional et international surtout que les pays les plus pauvres d’Afrique n’auront sans doute pas les moyens de s’offrir les vaccins anti-viraux dont les pays européens sont en train de constituer en prévision d’une éventuelle pandémie.
Aux origines d’un fléau
La grippe aviaire, provoquée par une souche A du virus grippal, a été identifiée il y a plus de 100 ans en Italie, mais les premiers cas connus de passage direct d’une souche H5N1 à l’Homme sont survenus à Hong Kong (18 cas d’infection respiratoire, 6 morts) en 1997.
Chez l’oiseau, cette maladie peut prendre des formes bénignes, se limitant à un ébouriffage des plumes ou des problèmes de ponte, ou des formes hautement pathogènes assimilées à un Ebola du poulet qui tuent les volatiles en moins de 48 heures, indique l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) dans un rapport.
Depuis 1959, année où avait été identifiée en Ecosse une première forme hautement pathogène de grippe aviaire, déjà due à un virus H5N1, une vingtaine de flambées de grippe aviaire ont eu lieu dans le monde, dont sept seulement ont entraîné une propagation importante à de nombreux élevages et une seulement s’est étendue à d’autres pays, ajoute l’OMS.
Les variants de H5N1 ont montré leur capacité à infecter directement l’Homme en 1997 et ont récidivé au Vietnam en janvier 2004. Le H5N1 a déjà entraîné plus de 60 décès d’êtres humains depuis 2003.
Les infections humaines par les virus grippaux aviaires sont extrêmement rares, et la plupart de ces virus n’ont provoqué que des pathologies bénignes chez l’Homme, se manifestant souvent par une conjonctivite virale, suivie de la guérison complète, selon l’OMS.
Ainsi au printemps 2003, un virus H7N7 avait entraîné la mort d’un vétérinaire et plusieurs dizaines d’autres cas d’infections bénignes chez l’Homme aux Pays-Bas.
Il a réapparu à Hong Kong en février 2003, et a atteint, dans les mois suivants, la Corée, le Vietnam, la Thaïlande et d’autres pays d’Asie du Sud-Est, entraînant une mortalité élevée parmi les volatiles.
Jamais auparavant la grippe aviaire hautement pathogène n’avait provoqué de flambées simultanées dans un nombre aussi grand de pays, souligne l’OMS, insistant sur la catastrophe que cela représente pour l’agriculture des pays concernés et sur les risques potentiels pour l’homme de voir le H5N1 devenir un jour à l’origine d’une pandémie de grippe humaine.
L’épizootie n’a jusque là touché l’Homme qu’à la marge: au moins 117 cas d’infections humaines ont été recensés dont 60 mortels depuis fin 2003.
Mustapha Moulay | LE MATIN
source:lematin