Ahmadinejad, 49 ans, ancien officier des forces spéciales des Gardiens de la révolution, est maire de Téhéran depuis 2003.
Il est l’un des principaux représentants de la nouvelle génération de conservateurs fidèles au Guide suprême de la révolution islamique, l’ayatollah Ali Khamenei, véritable détenteur du pouvoir dans le système iranien.
L’ancien chef de la police nationale, Mohammad Baqer Qalibaf, et Mostafa Moïn, ancien ministre de l’Enseignement supérieur et candidat du camp réformateur, recueillent respectivement 13,9% et 13,7% des suffrages. Les forces ultra-conservatrices iraniennes semblent bien avoir réussi un nouveau coup de force, électoral, en imposant au second tour de la présidentielle celui que personne n’attendait, Mahmoud Ahmadinejad, inconnu il y a encore quelques mois.
Voilà quelques semaines, le pragmatique Akbar Hachémi Rafsandjani était donné vainqueur facile de cette présidentielle.
Puis ont émergé l’ultra-conservateur Mohammad Baqer Qalibaf et même le réformateur Mostafa Moën.
Ni l’un ni l’autre n’arrivent parmi les trois premiers, après le dépouillement de la majorité des bulletins.
Les électeurs iraniens ont déjoué les pronostics en votant bien plus nombreux que leur désenchantement ne le laissait prévoir et en accordant le plus grand nombre de suffrages à M. Rafsandjani, comme prévu, mais aussi à M. Ahmadinejad et au religieux modéré Mehdi Karoubi.
M. Ahmadinejad, crédité de moins de 10% dans les intentions de vote, est entré en trombe dans la dernière ligne droite. C’est quasiment dans les heures avant le vote que les plus conservateurs ont activé leurs réseaux en sa faveur.
A posteriori, la surprise Karoubi n’en est pas une. L’ancien président du parlement réformateur a promis à tous les Iraniens de plus de 18 ans la fortune de 500.000 rials (55 USD) par mois.
L’incitation financière a marché, commente l’analyste réformateur Rajabali Mazroui, en particulier dans les zones défavorisées et rurales.
C’est une sérieuse mise en garde aux autorités, la pauvreté est un véritable problème, les gens préfèrent qu’on leur donne à manger plutôt qu’on leur serve des discours politiques, dit Amir Mohebian, rédacteur en chef du quotidien conservateur Ressalat.
Mais, jusqu’au jour J, peu nombreux sont ceux qui ont vu arriver le terne Ahmadinejad, malgré les avertissements sibyllins lancés contre une immixtion de certains groupes dans l’élection. Il a été d’autant plus sous-estimé qu’il cache sous les airs de monsieur Tout-le-monde sa nature de pur et dur.
Ahmadinejad, c’est la surprise. Il est là où il est parce qu’un groupe organisé et cohérent a modifié le résultat en sa faveur en allant aux urnes, observe Rajabali Mazroui.
Les ultras ont activé leurs réseaux dans les assemblées religieuses, explicite le journaliste Mohammad Atrianfar, membre de l’état-major de M. Rafsandjani. Un ayatollah ultra aussi éminent que Mesbah Yazdi a décidé au dernier moment de lui apporter son soutien. L’ayatollah Yazdi est un proche de l’ayatollah Ahmad Janati, chef du Conseil des gardiens, un pilier institutionnel et conservateur du régime.
Pour ces hommes, l’autre conservateur qui paraissait mieux placé, M. Qalibaf est allé trop loin, il en a trop fait, avec ses méthodes de communication occidentalisées, ses costumes élégants, ses propos conciliants sur le port du voile: Il ne pouvait plus être accepté par un électorat trop conservateur, dit M. Atrianfar.
Ahmadinejad représente une certaine catégorie de purs et durs, qui considèrent que voter est un devoir religieux et qui savent se mobiliser quand il le faut, dit le journaliste Omid Memarian, ils sont environ sept millions. Ahmadinejad a eu les voix de 4 ou 5 millions d’entre eux. (Ali) Larijani (un autre ultra, NDLR) et Qalibaf ont déçus les leurs par leur double langage.
Au second tour, prédit Amir Mohebian, la droite sera donc partagée entre Ahmadinejad et Rafsandjani, mais Rafsandjani peut aussi compter sur les voix de gauche.
En effet, Rafsandjani doit en principe l’emporter, mais il faut une alliance avec la gauche, une partie de la droite modérée et même un apport de l’électorat de Larijani et Qalibaf parce qu’en face, ils vont encore mobiliser tous les moyens, dit M. Atrianfar.
Tout dépend de la mobilisation de ces forces, sinon Ahmadinejad peut être devant avec seulement 8 millions des voix, met-il en garde.
Rafsandjani n’a aucune chance, dit Omid Memarian, s’il n’adopte pas une attitude plus tranchée, sur les libertés individuelles par exemple, parce qu’il s’aliènera le vote réformateur.
Pour lui, si Ahmadinejad est élu, les choses vont se durcir, à l’intérieur et à l’étranger. L’Iran entrera dans une période dangereuse.