Pour les météorologues, la situation en Rhône-Alpes devient comparable à celle d’il y a deux ans, même si elle avait, en 2003, démarré un peu plus tôt. Vingt jours de températures supérieures à 30 ºC avaient été enregistrés en 2003. Onze ont déjà été dénombrés en juin 2005. Dans la nuit du 26 au 27 juin, jamais une température aussi chaude n’avait été relevée, en juin, à Lyon : 22 ºC, alors que les minimales moyennes d’un mois de juin se situent autour de 13 ºC.
Si les météorologues annoncent pour mercredi le passage d’une perturbation pluvieuse accompagnée d’un retour à des chaleurs plus supportables, entre 26 et 30 ºC, cette relative accalmie ne devrait pas signifier nécessairement la fin des températures extrêmes. En 2003, nous avions connu une pause similaire, puis de nouveau une période caniculaire. En fait, il avait fait chaud tout l’été (…) avec un pic constaté du 2 au 13 août avec des températures situées entre 38 et 40 °C, explique Michel Portier, prévisionniste à Météo France.
La canicule est particulièrement sensible à Lyon, mais le reste de la région n’est pas épargné. Les huit départements de Rhône-Alpes, Rhône, Isère, Ardèche, Drôme, Loire, Savoie, Haute-Savoie, Ain, sont désormais placés en situation orange par Météo France. Le niveau 3 du plan canicule a été déclenché dans le Rhône, en Isère et en Savoie. Du sud de l’Ardèche ou de la Drôme jusqu’aux Alpes, un air chaud a envahi la région, comme en 2003. Nous avons un air chaud en basses couches qui remonte du sud. Les départements près des côtes bénéficient d’un courant humide, avec la présence de la Méditerranée. Ici ce n’est pas le cas , poursuit Michel Portier. Même les Alpes ploient sous la chaleur : lundi 27 juin, l’isotherme 0 ºC se situait à 4 200 m d’altitude, alors qu’en période normale il se situe entre 2 000 et 3 000 m. A 1 500 m, le thermomètre affichait 23 ºC !
Comme il y a deux ans, le phénomène est aggravé en Rhône-Alpes par une pollution à l’ozone due à l’activité industrielle et à la circulation automobile. La pollution est légèrement moins forte qu’en 2003 sur Lyon mais plus persistante, ce qui nous a conduits a abaissé le seuil d’alerte , constate Christophe Quinion, ingénieur à la Coparly, l’organisme chargé de la surveillance de la qualité de l’air de l’agglomération lyonnaise.
PLUS CONTRAIGNANTES
Face à cette situation extrême, les Verts du Rhône ont réclamé, lundi, l’adoption de mesures d’urgences : circulation alternée et gratuité des transports collectifs, des dispositions prévues dans la loi sur l’air de 1996. Pour les écologistes, le préfet du Rhône s’est contenté de constater la canicule, sans agir . 400 000 véhicules entrent tous les jours dans l’agglomération, 200 personnes meurent chaque année à Lyon des conséquences de la pollution, il faut diminuer la circulation automobile par des mesures incitatives et coercitives , a plaidé l’adjoint aux marchés publics de Lyon, Etienne Tête (Verts). Les écologistes souhaitent que le préfet réactualise un arrêté pris en 1999 pour interdire la circulation des grosses cylindrées supérieures à 9 CV et des 4 × 4, et mettre en place une circulation alternée des véhicules comme cela s’est fait à Rome, en Italie.
Il est vrai que les mesures prises par les autorités ne sont guère convaincantes. Le préfet du Rhône, Jean-Pierre Lacroix, a bien abaissé de 20 km/h la vitesse autorisée des véhicules sur l’ensemble des voies rapides urbaines et autoroutes du département du Rhône, mais sans grands résultats. Contrairement à Grenoble, où les automobilistes ont pris l’habitude de respecter les limitations en cas de pics de pollution, les Lyonnais semblent ignorer ces recommandations.
Concernant les industriels, très présents notamment au sud de la ville, les mesures sont plus contraignantes. Afin de limiter les émissions de composés organiques volatiles (COV), le préfet a demandé à neuf sites industriels de différer des opérations de maintenance pouvant se traduire par des émissions de COV. Pour les Lyonnais cependant, une odeur insupportable de brûlé stagne sur la ville. A plus long terme, les Verts réclament l’élaboration d’un plan de protection de l’atmosphère, prévu dans la loi sur l’air, mais non appliqué.
Les conséquences des fortes chaleurs sur la santé commencent à se faire sentir. Selon les hospices civils de Lyon, les urgences de l’hôpital Edouard-Herriot ont augmenté de 15 % ces derniers jours et le SMUR a reçu 30 % d’appels supplémentaires durant le dernier week-end. Malaises, déshydratation ont été diagnostiqués, mais aucun coup de chaleur comparable à ceux qui avaient causé la mort de milliers de personnes âgées il y a deux ans. Selon la préfecture du Rhône, seul le décès d’une femme âgée pourrait être attribué à la chaleur. Contrairement à 2003, les autorités sanitaires, les mairies et le conseil général semblent avoir pris la mesure des conséquences sanitaires de la canicule sur les personnes fragiles.
Sophie Landrin
source:lemonde