Visite de Sarkosy au Maghreb, un bilan mitigé

Assurément, le bilan est mitigé, et n’a pas abouti à des résultats concrets. En Algérie, sur le plan politique, le Traité d’amitié entre l’Algérie et la France qui devait être signé fin 2005, a été reporté sine die. Le Président Sarkozy a déclaré qu’on « pourrait faire de l’amitié sans Traité d’amitié », et a rejeté l’idée de repentance sur les crimes commis par la France en Algérie pendant la période coloniale. Cette exigence de l’Algérie avait fait suite à la loi du 23/02/2005 votée par le Parlement français, et qui affirmait « le rôle positif de la colonisation française ».

Sur le problème du Sahara, et malgré l’insistance de l’Algérie, le Président français n’a pas modifié la position de la France sur cette question, en rappelant son soutien à la résolution 1754 adoptée par le Conseil de Sécurité de l’ONU le 30 Avril 2007, et devant aboutir à une « solution raisonnable, acceptable par chacune des parties ». Les questions sensibles des visas et des problèmes de l’immigration n’ont pas été abordés, et ont été reportés à la prochaine visite d’Etat du Président français en Algérie, qui aura lieu pendant l’automne prochain. L’Algérie demande une augmentation sensible des 34.000 visas qui ont été accordés en 2006, et exige un traitement plus humain du regroupement familial, et des 350.000 algériens qui vivent sans papiers en France.

Sonatrach

Le volet économique discuté par le Président Sarkozy avec les autorités algériennes veut s’inscrire dans le cadre « d’un partenariat d’exception » entre les deux pays. L’Algérie est en effet le premier partenaire commercial africain de la France. Les investissements français ont atteint 1,7 milliard d’euros en 2006, et les exportations françaises vers l’Algérie ont dépassé les 4 milliards d’euros. On dénombre 250 entreprises françaises en Algérie, surtout des PME, employant environ 20.000 salariés.

L’Algérie souhaiterait que les investissements français s’accroissent surtout dans les secteurs hors pétrole : tourisme, agro-industrie, pharmacie, automobile notamment. De son côté la France est surtout intéressée par l’approvisionnement en gaz algérien, pour réduire sa dépendance vis-à-vis de la Russie. Pour cela, le Président Sarkozy a préconisé un rapprochement entre les entreprises énergétiques françaises (GDF, Suez et Total) avec la compagnie algérienne d’hydrocarbures Sonatrach, en vue « d’assurer au gaz algérien un accès garanti au marché français et européen ».

En contrepartie, la France disposant d’un grand savoir-faire dans l’énergie nucléaire civile, pourrait aider l’Algérie à préparer l’après-pétrole. Le Président Sarkozy a également prévu d’étudier avec bienveillance les demandes d’achat d’armes de l’Algérie en vu d’aider l’armée algérienne « dans ses efforts de professionnalisation et de modernisation ». Tous ces sujets ont été largement discutés, mais aucune décision concrète n’a été prise.

En ce qui concerne la Tunisie, les problèmes abordés ont été moins nombreux. Les deux Présidents se sont félicités de l’excellence des relations bilatérales, qui constituent « une promesse pour l’avenir ». Le Président Sarkozy a mis l’accès sur la réussite économique de la Tunisie, sur ses efforts de lutte contre le terrorisme, et pour la démocratie. Il a cependant indiqué que des progrès étaient à faire concernant les droits de l’homme. Les deux Chefs d’Etat ont manifesté leur identité de vue sur les problèmes du Moyen-Orient : sécurité d’Israël et droits des Palestiniens à une Patrie, réconciliation nationale en Irak, et dialogue entre toutes les parties au Liban.

Union Méditerranéenne

Aussi bien à Alger qu’à Tunis, le Président Sarkozy a exposé son projet d’Union Méditerranéenne, qui était l’objet principal de son déplacement au Maghreb. Il a expliqué que cette Union devrait aboutir à un espace commun entre les pays de Nord et de Sud de la Méditerranée, qui doivent avoir comme but : la solidarité, la coopération, la sécurité, l’écologie et le co-développement, l’intégration régionale, enfin une politique concertée en matière d’immigration.

Il a précisé que l’Union Méditerranéenne ne devrait pas se substituer aux organisations régionales existantes : UMA, Processus de Barcelone, Politique européenne de voisinage, G5+5. Si la réaction de la Tunisie a ce projet a été chaleureuse, celle de l’Algérie a été plus prudente, en attendant plus de détails sur ce projet.

La seule innovation qui a concerné ce projet, est la décision du Président Sarkozy de réunir une Conférence intergouvernementale des Chefs d’Etat et de gouvernement des pays riverains de la Méditerranée, pour le premier semestre 2008, en vue de finaliser ce projet pendant la présidence française de l’Union européenne qui débutera le 1er Juillet 2008. Le mystère n’a pas été dévoilé concernant les éventuels participants à cette Conférence, notamment les cas de la Libye, de la Turquie et d’Israël. La seule indication est que le Président Sarkozy souhaiterait la participation la plus large possible.

Quelles leçons peut-on tirer de cette visite en ce qui concerne le Maroc ?

Le point positif est que le Président Sarkozy n’a pas modifié la position de la France quant au problème du Sahara. Par contre, sa détermination d’infléchir la politique africaine de la France, son choix délibéré de l’Algérie comme première destination de son périple maghrébin, son pragmatisme dans la politique extérieure, laissent présager un changement de style dans ses relations avec notre pays.

Aussi, faudrait-il adapter notre propre stratégie à ce Président, élu d’une manière très confortable par le peuple français, et qui concentre entre ses mains tous les pouvoirs de la République. Outre l’amitié traditionnelle qui a toujours existé entre nos deux pays, il y a lieu de mettre en exergue l’importance des intérêts français au Maroc, présents et à venir.

Si le Maroc n’a pas pour le moment de pétrole et de gaz, il a ouvert d’énormes chantiers dans le tourisme (Plan Azur), l’industrie (Plan Emergence), les infrastructures (Autoroutes, Ports, Aéroports) où les entreprises françaises pourront trouver des opportunités d’investissements intéressantes. Toutes ces considérations doivent nous inciter à préparer dès maintenant la visite d’Etat que le Président Sarkozy doit effectuer au Maroc en Octobre prochain. De toute façon, la France a tout intérêt à avoir au Sud de la Méditerranée un Maroc stable et prospère.

Jawad Kerdoudi

Menara.ma

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