Un groupe d’accusés a subi des entraînements au maquis algérien à la fin des années 90. Des contacts ont été établis avec le Hizbollah en 2002 afin d’assurer l’entraînement de quelques membres de la cellule, sans suite.
Les contacts avec l’antenne régionale sont plus récents et visaient, non pas une affiliation, mais un genre d’entente amicale. La cellule arrêtée est totalement marocaine, avec un relais belge qui a joué un rôle important.
La Chabiba, mère de nous les maux
L’éclatement de la Chabiba Islamiya après l’assassinat de Omar Benjelloun s’est matérialisé par une multitude de courants plus ou moins violents. Aucun ne reniait la violence, mais de fortes discussions doctrinales les séparaient. Les groupes de Belkacemi et de Hokimi, tous deux arrêtés les armes à la main en 1984 et 1986 sont issus de cette mouvance.
En 1990, l’option islamiste « Al Ikhtiar Al Islami » par opposition à l’option révolutionnaire de Mehdi Ben Barka, a été créée comme mouvement transversal unitaire. Cette réunion a eu lieu à Fès et les étudiants intégristes faisaient circuler sous le manteau ses résultats. En 1992, à Tanger, et c’est la réunion que Chakib Benmousa a citée comme point de départ de l’organisation, le «Congrès» décide de séparer le politique et le militaire. A cette réunion à Fès, ont aussi assisté des dirigeants islamistes qu’on dit aujourd’hui modérés et qui ne sont pas concernés par l’enquête en cours, en tous cas pas à ce jour. Les enquêteurs ont pu établir que le fil a toujours été maintenu et que ce mouvement a armé les assaillants de l’hôtel Atlas Asni, qu’il a tenté deux assassinats et surtout qu’il est en contact direct avec la cellule de Meknès, la voiture ayant importé les armes, appartenant au frère de Hokimi, condamné par contumace depuis 84 et vivant en Belgique. A chaque fois, les enquêteurs n’ont pu aller plus loin que la cellule active et déboucher sur l’ensemble du réseau et son moyen de base qui a sévi pendant plus de 20 ans.
Ce groupe n’a rien à voir avec la Salafiya Jihadia, il ne partage ni son corpus idéologique ni ses méthodes. Son objectif principal reste le changement du régime et l’établissement d’une république islamique. Ses liens avec le chiisme s’arrêtent à la fascination de tous ses cercles pour la révolution iranienne.
La liste produite par les services concernés fait ressortir deux éléments importants qui tranchent par rapport aux kamikazes : l’âge et la classe sociale des accusés. La cinquantaine pour la plupart, immergés dans la mouvance depuis leurs années de faculté.
Qui a fait quoi ?
Il faudra du temps pour dissiper ce brouillard, d’autant plus que Belliraj a «fricoté» avec une série d’organisations secrètes à l’étranger y compris celle des «Talaï» en Allemagne. D’ailleurs, ce personnage de Belliraj est celui d’un baroudeur, plus que celui d’un doctrinaire. Il a reconnu 6 assassinats en Belgique et deux tentatives. Sa participation au braquage du Brinks est aussi prouvée. Braquage qui a rapporté près de dix-huit millions d’euros. Ce sont d’ailleurs les suites du braquage qui vont amener à l’arrestation de cette cellule. L’un des bandits avait été arrêté en Belgique. Il n’a pas livré ses complices et a réussi à s’évader.
Il est entré au Maroc pour récupérer sa part chez Belliraj. Son passeport était faux, et c’est pour cela qu’il s’est fait arrêter à l’aéroport Mohammed V.
Les enquêteurs vont donc être dirigés vers Belliraj et celui-ci va d’abord livrer le fournisseur de «papiers». Il s’agit d’un employé de la fondation Hassan II pour les MRE qui récupérait les documents égarés et les recyclait, puis le baroudeur se met à table et le puzzle n’est toujours pas entièrement reconstitué. Les armes saisies sont celles d’un commando, ce qui laisse entendre que la cellule projetait des attaques avec combat et non des explosions, encore moins des opérations suicides. Le commissaire de police assurait l’entraînement.
La police étudie encore 3 pistes, celle qui mène à un éventuel lien entre cette cellule et les trafiquants de l’Oriental qui auraient facilité le transit des armes. La Belgique et donc les éventuelles connexions avec la cellule Raha condamnée dernièrement et dont l’émir résidait lui aussi à Bruxelles et en fin les connexions « politiques » avec les autres mouvances issues de la Chabiba Islamia. Il est d’ailleurs à noter que celle-ci (qui continue à exister par voie de presse) a dénoncé tout lien avec cette cellule et a même, par la voix de son porte-parole, accusé Moâtassim d’avoir via le Docteur Khalil actuellement au PJD, dévoilé ses activités au Dr Khatib qui en aurait fait état au Souverain décédé. L’écheveau de cet imbroglio est difficile à tenir. Cependant, les enquêteurs sont persuadés que la duplicité, la superposition de structures politique et militaire, a perduré durant ces 16 dernières années.
Quid d’Al Badil ?
Cette conviction des enquêteurs est derrière l’arrestation des dirigeants politiques d’Al Badil Al Hadari, Al Ouma et Maâ Al Aïnine du PJD. La première question concerne la sincérité de l’action politique durant la dernière décennie de Moâtassim, d’El Merouani ou de Ragala. Est-ce qu’il ne s’agirait pas d’une simple non dénonciation ? C’est déjà un délit, répondent les enquêteurs.
Les enquêteurs soutiennent qu’«ils étaient au courant de l’importation des armes sur le sol national, des préparatifs des attentats et ils ont eux-mêmes déterminé les cibles à abattre». nous sommes donc face à l’accusation d’une participation active. Pour les officiels, il ne fait aucun doute que les deux courants ne sont que le paravent du mouvement armé, qu’ils lui servaient à la fois de centre de recrutement des éléments les plus déterminés et d’abri « politique » pour les membres trop exposés. Des rapports d’argent auraient aussi été établis, Belliraj avait monté tout un système économique mafieux et on aurait fait bénéficier les deux courants.
D’ailleurs, face aux critiques concernant la dissolution d’«Al Badil Al Hadari » par le Premier ministre, l’un des officiels explique : «On aurait pu effectivement se limiter à la suspension mais cette mesure ne permet pas le gel des avoirs et c’est un élément important». Les officiels sont d’ailleurs gênés aux entournures quant à leur communication. Une certaine forme de suspension a vu le jour, après l’arrestation des « politiques » or, s’ils en disent trop, ils gênent l’enquête et violent le secret de l’instruction, s’ils n’en disent pas assez, les rumeurs prennent le relais et créent l’opacité actuelle. Alors ils utilisent le passé « la version officielle a toujours été contestée par les mêmes circuits avant d’être définitivement établie », les émirs du sang » ont été raillés, puis après le 16 mai on a même accusé les services de « fabriquer » le coup « Ansar Al Mahdi » n’étaient qu’une création des services etc…, nous sommes face à une posture qui ne veut pas admettre que ce pays est menacé et que ce n’est pas conjoncturel et que la vraie question c’est de réfléchir sur les moyens d’assécher les sources. On peut acquiescer à la remarque, sauf que l’Etat marocain a tenté pendant longtemps de faire du terrorisme un phénomène importé, cette fois il est face à une cellule dont l’ADN remonte à une époque où « Al Qaïda » n’était pas née, ni la plupart des journalistes qui sévissent. La communication n’en est que plus ardue.
Arrestation de trois individus à Nador
Les services de sécurité ont procédé à l’arrestation de trois individus dans le cadre de l’enquête sur le réseau terroriste Belliraj, dont le démantèlement a été annoncé lundi dernier, a-t-on appris, vendredi, de source policière. Sur la base de renseignements fournis par des personnes arrêtées, ces derniers jours, un nouveau lot de munitions et de détonateurs a été découvert dans une cache à Nador où une équipe d’enquêteurs de la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ) s’est rendue récemment. Les services de sécurité avaient, rappelle-t-on, annoncé lundi dernier le démantèlement du réseau terroriste Belliraj. Les investigations menées avaient donné lieu à l’arrestation de 32 personnes. L’enquête se poursuit.
Jamal Berraoui.
Aujourdhui.ma