Il ne parle pas la langue et a des souvenirs vagues sur le Maroc, qu’il n’a visité que deux fois. Toute sa famille vit en France: son père (mort aujourd’hui et enterré en France), sa mère, ses six frères et sœurs, sa compagne, ses deux enfants ont la nationalité française, mais pas lui. Il raconte que son père ne voulait pas dans un début, que ses garçons obtiennent la nationalité française, car ils seraient obligés de faire le service militaire. Plus tard, ses démêlés avec la justice l’empêchèrent de l’obtenir.
Ahmed Zaki a fait ses études là-bas, ses amis, ses souvenirs, ses attaches, sa vie sont la France. A ses 48 ans, il le répète naturellement maintes fois lors de notre conservation. Mais le ministère français de l’Intérieur en décide autrement et prononce un arrêté d’expulsion, à son encontre, en vertu de la loi sur la double peine. Ce décret consiste à renvoyer du territoire un étranger condamné en France, à la fin de sa peine.
En effet, Ahmed Zaki purge une peine de trois ans suite à une affaire de drogue de 1991 à 2001. A sa sortie de prison, rien ne pourra changer les choses. Sa compagne, avec qui il a eu deux enfants, (âgés aujourd’hui de 13 et 15 ans) est séropositive, a besoin de lui pour s’occuper des petits, son « bon comportement en détention», ses parents naturalisés… Tout cela n’est pas suffisant aux yeux de la justice qui considère que Ahmed Zaki «ne justifie pas d’une résidence habituelle en France» pour rester. Il n’a pas de chance, la double peine est abrogée le 26 novembre 2003 mais il ne vit plus en France. Et obtenir un visa est mission impossible.
Il raconte que son retour au Maroc se fait de façon traumatique. Il n’a pas de travail, pas d’amis, pas de famille, avec à peine 600 euros en poche, la peur au ventre; il quémande dans les rues, pleure à chaudes larmes, souffre dans sa ville natale, Casablanca, qu’il ne connaît pas. «Je ne connaissais rien au Maroc», dit-il. Il a la chance de rencontrer Nezha Chekrouni, ministre en charge des MRE qui le reçoit plusieurs fois avec beaucoup de « gentillesse». La Fondation Hassan II l’héberge à Kénitra, au centre d’accueil des Marocains Résidants à l’étranger où il travaille et touche 1.800 dirhams.
Somme qui lui permet de téléphoner à ses enfants et d’envoyer des plaintes à maintes organisations gouvernementales en France comme au Maroc. «Grâce à la Fondation, en 2003, mes enfants et ma femme m’ont rendu visite pendant 15 jours», affirme-t-il. Pour cet homme, Omar Azziman, ancien ministre de la Justice et président délégué et Zahi Abderrahman, secrétaire général de cette Fondation sont ses meilleurs soutiens.
Avec l’aide de la Fondation, il dépose à travers son avocat en France une requête auprès du tribunal de Paris.
L’affaire est jugée en sa faveur en 2005 mais il doit attendre au Maroc. Il rencontre aussi plusieurs parlementaires, quasiment tous les chefs de partis marocains mais rien à faire. Il ne comprend pas ce calvaire qui s’éternise et entame la semaine dernière une grève de faim. Le consul de France le reçoit mais lui déclare qu’il n’est pas de ses compétences de résoudre son problème et de lui délivrer un visa de retour. Il lui suggère de déposer un recours auprès de la commission spéciale au tribunal de Nantes.
Ahmed Zaki a raz- le- bol de tant de paperasse, de recours administratifs. Les rouages des tribunaux sont fatigants mais que peut-il faire? Le président de l’«Instance équité et réconciliation», Driss Benzekri le reçoit pendant près d’une demi heure et le prie de mettre fin à sa grève de faim. Il lui promet de faire le nécessaire pour qu’il puisse retourner auprès de ses enfants et de sa femme.
Cet ex-résident en France répète cette dernière phrase avec amertume et pense à sa femme qui a sombré dans la drogue, à ses enfants, l’un a été mis en pensionnat, l’autre est chez sa maman.
Mais il a aujourd’hui de l’espoir et croit fermement en Driss Benzekri, un homme «important», parti en voyage ces jours-ci. Peut-être en France? C’est ce qu’il croit. Mais son ultime espoir reste un appel qu’il lance à Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour débloquer sa situation.