Un charlatan sous les verrous

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Chambre correctionnelle près le tribunal de première instance de Taounate. Abderrahim occupait un siège parmi les suspects qui devaient être jugés, ce jour du mois de janvier, par le tribunal. Il portait une djellaba et des babouches. Abderrahim est accusé d’escroquerie.

De temps en temps, il jetait des regards furtifs vers l’assistance, à la recherche d’un proche.

Le président du tribunal appelle Abderrahim à la barre. Ce quadragénaire, père de famille, avance en traînant le pas. Le président appelle également une jeune femme et un jeune homme. Ces deux derniers étaient parmi l’assistance. Ils se sont levés et ont rejoint Abderrahim. Le président du tribunal leur a demandé ensuite d’attendre en dehors de la salle d’audience. « Tu es accusé d’escroquerie, qu’en dis-tu ? », lui demande le magistrat qui parcourait les documents du procès-verbal.

Gardant le silence pour quelques secondes, Abderrahim a nié l’accusation. « Je ne les ai pas trompés monsieur le président. Je n’ai pas encore terminé mon travail», répond-il. De quel travail parle-t-il? Abderrahim a expliqué au tribunal qu’il s’agit d’un travail de sorcellerie pour aider ses clients à résoudre leurs problèmes. Ce dernier fait semblant d’ignorer que la sorcellerie est une sorte de charlatanisme et que sa pratique est sanctionnée par la loi qui la considère comme une sorte d’escroquerie. Le code pénal est clair sur ce point qui précise que le fait « d’induire astucieusement en erreur une personne par des affirmations fallacieuses, ou par la dissimulation de faits réels, ou exploiter astucieusement l’erreur ou la situation où se trouvait une personne et la déterminer ainsi à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d’un tiers… ». Abderrahim a affirmé au tribunal que la première plaignante, S.B, a fait appel à lui pour l’aider à se marier. D’un âge avancé et encore célibataire, elle a pensé qu’il pouvait lui trouver une solution pour se marier en lui faisant des amulettes. Contre une somme de deux mille dirhams, il lui a promis que son rêve sera réalisé bientôt. Mais en vain. Les jours, les semaines et les mois se sont écoulés. Aucun homme ne s’est présenté à elle lui demandant sa main. Abderrahim a déclaré également qu’il n’a pas encore achevé son travail au profit du deuxième plaignant.

Il s’agit d’un jeune employé, M. C, qui souffre d’impuissance sexuelle et qui est très superstitieux. Il croit qu’il est victime d’une sorcellerie. Il soupçonne sa maîtresse et pense qu’elle est responsable de son impuissance. Le jeune homme s’est adressé au fkih, Abderrahim, pour le guérir. Ce dernier lui a demandé une somme d’argent de trois mille dirhams. Le jeune homme était prêt à payer n’importe quelle somme pour retrouver sa virilité. Le fkih, mis en cause, lui a promis monts et merveilles.

Cependant, le jeune homme n’a remarqué aucune amélioration de son état de santé. Convaincu qu’il est tombé entre les mains d’un charlatan, il a décidé de porter plainte auprès du commissariat de police pour le dénoncer. Après avoir entendu les témoignages des deux victimes, le réquisitoire du substitut du ministère public et la plaidoirie de l’avocat de la défense, le tribunal a jugé Abderrahim coupable d’escroquerie et l’a condamné à 5 mois de prison ferme assortis d’une amende de mille dirhams.

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