Chacune de ces épithètes, ou toutes à la fois, traduisent une attitude affectueuse du génie populaire qui n’est jamais à court de métaphores. Elles restituent, surtout, la caractéristique du nouveau monarque –pas si nouveau que cela, depuis six années révolues- et la configuration du nouveau règne.
Nous l’avons su dès les premiers mois, ce Roi, qui règne et gouverne, a imprimé un nouveau rythme au fonctionnement de l’État. Il fallait être totalement allergique à notre télévision pour ne pas s’en apercevoir. On a aussi observé, chemin faisant, que ce n’était pas de la représentation monarchique, purement protocolaire, mais de l’action, tous azimuts.
Les vaillants thuriféraires ont donc été priés de s’abstenir ; à l’exception, toutefois, des valeureux journalistes préposés aux reportages télévisés, dont il faudra bien, un jour, adapter le lexique et le ton à l’air des temps modernes. On nous a fait grâce des chansons élogieuses qui étaient un défi pour le solfège, avec l’étiquette du protocole en guise de partition, pourquoi alors ne pas alléger, le mot n’est pas trop fort, ces égosillements d’un autre âge de la communication ! Seuls, donc, les responsables concernés, par telle ou telle activité, étaient invités à agir, en payant de leurs méninges et de leur personnes.
Ceci pour dire que SM Mohammed VI est un Roi constamment en manœuvre. À le voir sillonner le pays, quasi-quotidiennement, on l’imagine fonctionnant comme le chef d’une entreprise nommée Maroc. Il prend son “ptit-déj” de travail en compagnie de ses proches collaborateurs, met les derniers ajustements à l’activité du jour, déjà fixé par un agenda épluché la veille ; puis part sur le terrain où tout est réglé comme du papier à musique.
Lorsqu’on voit des ministres tels Karim Ghallab ou Ahmed Taoufik Hjira, stoïques devant leurs maquettes à répétition ; ou même quand on ne voit pas un Abdelaziz Meziane Belefkih cogitant à l’unisson avec un parterre de penseurs hétéroclites, sur le bilan de cinquante ans d’indépendance, on se dit, positivement, que certains membres du gouvernement et autres Conseillers sont plus égaux que d’autres. Cette catégorie-là, abondamment agissante, devrait constituer un syndicat à part pour revendiquer plus d’indemnités.
Si le cérémonial n’a pas beaucoup varié, malgré la rapidité et la densité des déplacements, l’action est, encore une fois, patente. Un bref récapitulatif pour se faire une idée.
Les contraintes du journalisme exigent que l’on commence par la fin, c’est-à-dire par l’actualité la plus fraîche. Ce 30 janvier 2006, le Souverain était à Chefchaoun. Il s’agissait de lancer des projets de routes, d’électricité et d’eau potable en milieu rural ; ainsi qu’une campagne de reforestation. Chefchaoun, blanche immaculée, porte d’accès au relief tourmenté du Rif, était enclavée, vouée aux oubliettes des cartes postales faussement aguichantes. Elle ne le sera plus.
Quelques jours auparavant, le 26 janvier 2006, SM Mohammed VI faisait la jonction entre deux localités jumelles, qui n’étaient que des villages, puis de gros villages, puis des villes en gestation anarchique, par la force de leur position géo-politique et de la pression démographique.
Ce sont Fnideq et M’diq. Ces deux agglomérations, un peu malgré elles, méritent qu’on s’y arrête. Parce que, effectivement, on s’y arrête en sortant de Sebta, là où l’Espagne et l’Union européenne empiètent sur notre territoire. La rupture est abrupte. On descend une pente régressive ; on franchit la démarcation entre le monde développé et son versus sous-développé. Des rues défoncées, des façades hideuses s’efforçant de cacher un amoncellement de bric et de broc en guise d’habitations précaires à l’équilibre instable sur un sol argileux prêt à fondre aux premières pluies. Une ruche humaine vivant de contrebande et autres palliatifs. Là aussi, il n’en sera plus ainsi.
Un programme de réhabilitation infrastructurelle des deux bourgades, en situation avancée, a été enclenché. Un paysage urbain à visage humain devait remplacer l’impression d’être dans une brousse profondément africaine.
Le 24 janvier 2006, le Souverain avait présidé au lancement d’un autre maillon qui avait marqué le long règne de son père : La gestion de l’eau par une procession de barrages à travers le territoire. Un nouvel ouvrage devra alimenter la ville de Tétouan en eau potable; parallèlement à des actions ciblées de qualification urbaine de la même ville.
Le 17 janvier 2006 SM Mohammed VI faisait une autre de ses visites ponctuelles pour s’enquérir de l’avancement des travaux du port Tanger-Mediterranée, ainsi que du barrage Oued-Rmel qui devra l’alimenter en eau potable.
Puisqu’on est dans le nord, on y reste, avec le chef de l’État qui, le lendemain, 18 janvier 2006, se penchait sur les études de faisabilité de trois villes nouvelles dans le nord-ouest marocain, Ksar Essaghir-Ksar Al Majaz, Melloussa-Jouamâa et Gueznaya ; en plus d’un projet de nouveau pôle urbain à Tanger.
On quitte le nord, toujours en remontant le calendrier, pour dire que l’État ne perd pas le nord, sans pour autant manquer à ses obligations envers le reste du pays, au centre et au sud. Le chantier Tanger-Méditerranée n’a d’égal en envergure de rendement et de création d’emplois que l’aménagement de la vallée du Bouregreg. SM Mohammed VI en a donné le coup d’envoi le 7 janvier 2006. Un court terme de dix années de réalisations, sur un espace de quatre mille hectares et un cahier de charges d’assainissement du fleuve, de construction d’un port de plaisance, de jardins suspendus, d’un parc naturel, de plages, d’espaces de services et de commerce; l’ensemble devant être servi par un tunnel et une ligne de tramway qui reliera les villes de Rabat et Salé avant de s’étendre à Temara et Skhirat. Une révolution urbanistique au cœur de la capitale du Royaume et de son prolongement immédiat, des deux côtés du Bouregrag.
Et le Sud dans tout cela ? Le Sud est dans le raccordement routier, réaménagé et perfectionné, aux quatre coins du pays. Sur ce registre, on continue notre remontée chronologique dans le calendrier royal de l’aménagement du territoire national. Le 3 janvier 2006, SM Mohammed VI a procédé au lancement des travaux de l’autoroute Marrakech-Agadir, qui constitue le dernier tronçon de la liaison nord-sud tel que définie par le schéma d’armature autoroutier national. Marrakech et Agadir, à vol d’oiseau, en passant par une bretelle vers Essaouira, c’est la voie lactée de dix millions de touristes à l’horizon 2006.
Que l’on soit au Nord ou au Sud, on revient toujours au Centre et à l’objectif premier, celui de donner une raison de vivre au peuple demandeur d’une petite place au soleil, par le travail. Dans la même lancée d’aménagement du territoire, le Centre, poumon économique du pays, constitue, avec la zone offshoring de Casashore, l’un des principaux chantiers pourvoyeurs d’emplois. Le 22 décembre 2005 le Souverain lançait un noyau incitateur d’investissements et de création d’entreprises autour de ce même concept attractif.
Ce suivi, à la trace, de l’activité effrénée du chef de l’État, appuyé par quelques activistes de son gouvernement, particulièrement le Premier ministre, Driss Jettou, récemment, lui aussi en manœuvre diplomatique en Amérique Latine, démontre un Roi qui règne et gouverne avec son gouvernement. Les demandes entendues de réformes constitutionnelles et de recadrages institutionnelles devront, forcément, s’inscrire dans cette dualité d’image et d’action.
Boujdour.