L’affaire Lahra-ouiyine prend désormais une tournure judiciaire. Quelque soixante-dix personnes ont été déférées devant le juge d’instruction de Casablanca, a annoncé mercredi une source judiciaire. Parmi les prévenus, figurent pas moins de 37 éléments appartenant aux différents corps sécuritaires et préfectoraux. Les personnes qui se retrouvent au banc des accusés sont des agents d’autorité (quatre caïds et un khalifa), des auxiliaires d’autorité (dix chioukhs et trois mokaddems), cinq éléments des Forces auxiliaires, neuf gendarmes et six agents techniques de la préfecture. Plus de la moitié des personnes mises en cause appartiennent donc aux autorités locales. Le ministère de tutelle, l’Intérieur, avait déjà sévi contre d’autres. Le chef de la division des affaires intérieures à la province de Mediouna a été rappelé au service central du ministère de l’Intérieur et six autres auxiliaires d’autorité ont été révoqués. Les inculpations retenues contre ces derniers sont l’abus de pouvoir, la corruption, l’escroquerie et la participation à la réalisation de lotissements immobiliers et constructions sans autorisation.
Sur les soixante-dix personnes inculpées, figurent également une vingtaine de civils. On compte notamment des promoteurs de lotissements clandestins. Ils devront, ainsi, répondre de leur implication dans la promotion de lotissements sans autorisation. Ces lotissements varient entre maisons, hangars, dépôts de briques et de ciment, commerces, et autres édifices clandestins, élevés aux dépens de la loi et au risque de leurs usagers.
Le tour judiciaire que prend l’affaire de Lahraouiyine, un quartier situé aux confins de la préfecture de Moulay Rachid, intervient un mois après l’éclatement de ce scandale. Le 2 janvier 2009, plusieurs ministres, dont celui de l’Intérieur (Chakib Benmoussa), de la Justice (Abdelouahed Radi), et de l’Habitat (Taoufiq Hejira), se sont réunis à la wilaya du Grand-Casablanca, pour mettre au point une stratégie visant à stopper ce que les observateurs appellent, et pas vraiment à tort, «le cancer de la ville», en allusion à la prolifération des baraques à la périphérie de la métropole. La présentation à la justice des agents d’autorité, ainsi que des éléments de la Gendarmerie royale et des Forces auxiliaires, montre la détermination exprimée à haut niveau à aller de l’avant dans les efforts d’éradication du fléau. La présence du ministre de la Justice à la réunion du 2 janvier édifie, à bien des égards, sur cette détermination. Lors de cette réunion, le ministre Radi a livré un diagnostic accablant sur ce dossier. Un dossier sur cinq concerne uniquement la ville de Casablanca.
Le tribunal de première instance de la ville a rendu 1.900 jugements, dont 1.332 portent sur la destruction des logements non réglementaires. Plusieurs baraques ont été détruites dans différentes régions du Grand Casablanca. La dernière en date a concerné la commune de Lahraouiyine, où plusieurs dizaines de baraques ont été démolies en début janvier. Ce processus de démolition s’accompagnait, des fois, par des incidents malencontreux. Le décès en 2007 d’un enfant à la commune de Dar Bouazza, retrouvé mort sous les décombres du son foyer parental détruit, offre un exemple tragique. Des gages ont été présentés par les autorités de tutelle pour que ce genre d’incidents ne se reproduisent plus. «Les habitants des constructions illégales seront avertis plusieurs jours à l’avance pour leur permettre de prendre leurs dispositions au moment de la démolition», avait assuré le ministre de l’Habitat, Taoufiq Hejira. Et ce n’est pas tout. Le ministre du même département avait également indiqué que les constructions démolies seront compensées. Pus de 370 projets pour une enveloppe de plus de 60 milliards de dirhams ont été lancés. Plus de 1,5 milliard de dirhams a été réservé à la lutte contre l’habitat insalubre.
M’Hamed Hamrouch
Aujourdhui.ma