Nous sommes le jeudi 4 septembre. Dans le couloir du tribunal de première instance de Casablanca, Latifa traînait ses pas nonchalamment devant les éléments de la brigade anti-stupéfiant de la PJ de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. Cette mère de quatre enfants, âgée de quarante-six ans, issue d’une famille aisée, jouissant d’une bonne réputation, qui a effectué le pèlerinage à deux reprises serait-elle une trafiquante de drogue ? « Non… », criait-elle à haute voix les larmes aux yeux. En fait, tout le monde a cru ses propos : les enquêteurs et le procureur du Roi. La preuve ? Le procureur du Roi l’a libérée sans poursuite. Quelle est donc son histoire ? Cette femme qui mène une vie sans problème avec sa famille n’a jamais pensé aller, au moins une fois par semaine, à la prison Oukacha. Mais, elle est enfin obligée de s’y rendre. Pourquoi? L’un de ses quatre enfants a été arrêté pour conduite en état d’ivresse. Il est encore en état de détention préventive. En attendant son jugement, Latifa lui enmenait, au moins une fois par semaine, un panier rempli de produits alimentaires, de cigarettes…, etc.Dernièrement, il lui a dit : « Maman, il y a un détenu, nommé Abderrahim, qui séjourne avec moi au pavillon 4. C’est un jeune homme très sympathique, sans problèmes, avec lequel je me suis familiarisé…». Attentivement, la maman entendait son enfant. Et ce dernier a repris son récit : «Personne ne lui rend visite». Qu’attendait-il de sa mère? «Il a uniquement une fiancée, Samira, qui demeure à l’adresse (…), mais qui ne peut pas lui rendre visite. Car ils ne sont pas encore mariés. J’aimerais que tu lui rapportes de la nourriture de chez Samira», a-t-il ajouté à sa mère tout en lui remettant un bout de papier où l’adresse a été inscrite. Le mardi 2 septembre, Latifa s’est rendue chez Samira qui a tout préparé. Elle a reçu le panier, rempli de nourritures, qu’elle devait remettre à Abderrahim. Lorsque la grande porte de la prison Oukacha s’est ouverte, des gardiens étaient présents pour fouiller des paniers. Il y avait aussi un détecteur de drogues. Pour qu’elle passe rapidement chez son fils, Latifa a préféré mettre tous les paniers devant le gardien chargé du détecteur. D’un produit à l’autre, le détecteur a découvert du haschich. Où ? l’intérieur d’une trentaine d’œufs ! C’est la première fois que du haschich a été découvert dans des oeufs. Latifa a perdu connaissance. L’administration de la prison Oukacha a aussitôt alerté la PJ de Hay Mohammadi-Aïn Sebaâ. Latifa a été conduite au commissariat de police. Elle leur a expliqué qu’elle n’était au courant de rien, qu’elle était innocente et qu’elle avait été trompée par Samira. Son fils, encore en détention préventive, s’est disculpé tout en expliquant avoir été trahi par son codétenu, Abderrahim. La police s’est déplacée une fois encore à la prison pour conduire Abderrahim aux locaux du commissariat et s’est dépêchée chez Samira pour l’arrêter. Tous deux sont mis à table. C’est Abderrahim, âgé de 39 ans, en détention préventive depuis février 2008 pour escroquerie, qui a téléphoné, depuis la prison, à sa fiancée, Samira, âgée de 23 ans, pour la solliciter d’acheter 750 grammes de haschich, le broyer avant de les mettre en poudre à l’intérieur des œufs dont elle avait brisé une partie de la coquille et les avait vidés.
Abderrafii ALOUMLIKI
Aujourdhui.ma