Les quartiers clandestins envahissent de nouveau l’espace casablancais

Mais qu’est-ce qui aurait été derrière ce gâchis ? Pourquoi ce phénomène s’est-il aggravé durant les trois derniers mois en particulier ? Pour quelles raisons des régions ont été assaillies par ces quartiers illégaux beaucoup plus que d’autres ? La période électorale n’a-t-elle pas été mise à profit par des spéculateurs inconscients pour se livrer à ce jeu de massacre ? Ces spéculateurs auraient-ils pu commettre ces crimes sans la complicité de certains élus en mal de voix avec la bénédiction d’agents d’autorité? Un festival de questions prend à la gorge tout visiteur qui aurait l’occasion de faire un tour, par exemple, du côté de Lahrawiyine, qui détient le record en termes d’infractions enregistrées dans la période qui a précédé et suivi les dernières élections législatives. Le chiffre s’élève à 2. 000 infractions, soit plus de la moitié du nombre total des infractions constatées en zone rurale. Lahrawiyine, quartier situé dans la province de Médiouna, «mérite le Grand prix du lamentable», ironise un riverain, qui nous fait signe de l’accompagner pour indiquer les douars les plus touchés : Ouled Ghalem, douar Kharbouch, douar Baaiz, douar Houat et douar Mediouni. Notre interlocuteur, l’air badin, enfonce le clou en disant que ce Grand prix devrait être partagé en ex-aequo avec les élus et les autorités de la province de Médiouna qui auraient brillé par un laxisme hors-norme. «On a beau alerter ces responsables, mais ces derniers, pour une raison ou une autre, ne veulent rien entreprendre qui puisse éviter l’irréparable», s’indigne un autre habitant. «Il est impensable que ce gâchis se déroule sans que les responsables ne soient au courant», précise-t-il. «Autrement, c’est grave», s’alarme-t-il. En dehors des habitants de Lahrawyine, il est facile à tout un chacun de constater les irrégularités, d’autant plus que les moyens auxquels ont recours les contrevenants sont devenus aussi fréquents qu’ils ne sauraient passer inaperçus : ériger des clôtures en zinc autour du terrain à bâtir, concentrer le gros des travaux de construction dans la période nocturne pour échapper à la vigilance des contrôleurs, improviser des fabriques de briques dans un endroit où la construction n’est pas autorisée … Que faut-il ajouter à ce tableau ? Changement de décor. Nous sommes à Dar Bouazza, une commune qui relève de la province de Nouaceur. Cette commune vient en deuxième place dans la catégorie du pire, avec un total de 900 infractions enregistrées ( 600 logements irréguliers), soit 30 % du nombre total des infractions constatées en zone rurale. Les territoires les plus touchés par la propagation des quartiers clandestins sont : Ouled Ahmed (douars Iraki-Labqiriyine) et Ouled Azzouz (douars Laâtiquiyine). Le constat fait sur place est accablant. Les chiffres, également. Baraques et logements non autorisés (75 %); hangars et dépôts sans autorisation (2%); surélévation d’étages et de logements non réglementaires (23%) …

Si Lahrawiyine et Dar Bouazza battent le record en termes d’infractions, d’autres communes de la périphérie casablancaise ne sont pas en reste. Dans la province de Nouaceur, et au-delà de Dar Bouazza, il y a lieu de signaler un total de 115 irrégularités : 115 baraques et logements irréguliers ont poussé sur le terreau de cette commune. Idem pour la province de Médiouna. Plusieurs infractions sont signalées à la municipalité de Tit Mellil, notamment en ce qui concerne les surélévations d’étages (25 infractions).

Toujours en zone rurale, mais à moindre échelle, il y a lieu de relever plusieurs irrégularités à la préfecture de Mohammedia, principalement à la commune rurale d’Echellalat (45 baraques et logements irréguliers), talonnée par la commune de Sidi Moussa El Majdoub ( 20 baraques et logements irréguliers). A basse échelle, Ben Slimane est citée comme la province la plus soft en matière d’irrégularités. Le nombre de baraques et de logements irréguliers enregistrés à la commune rurale d’El Mansouria se limite à quatre.

En dehors de la zone rurale, le gâchis n’est pas moins important. Un laxisme insupportable est enregistré à l’intérieur du périmètre urbain. Bien sûr, les infractions varient selon les préfectures d’arrondissements. En fait de laideurs, la préfecture de Hay Hassani arrive en tête avec un total de 104 irrégularités. Dans cette préfecture, et plus précisément à l’arrondissement Hay Hassani, les façades non conformes s’élèvent à 15, ajouter à cela les empiètements sur la voie publique (10), les surélévations d’étages (53), les accès à la terrasse (12), sans oublier l’absence de plans autorisés sur le chantier (14). Un laisser-aller qui a suscité une vague de mécontentement chez une population déjà débordée et excédée par la multiplication des souks de fortune improvisés au milieu des quartiers résidentiels.

Non loin de la préfecture d’arrondissements de Hay Hassani, celle d’Aïn Chock offfre un spectacle tout aussi désolant avec un total d’irrégularités qui s’élève à 76. Les détails sont significatifs: 23 façades non conformes, 21 empiètements, 15 surélévations d’étages, 12 accès à la terrasse, 5 plans non autorisés sur le chantier …

On pourrait allonger la liste des infractions, mais abrégeons : Qui pourrait stopper cette hémorragie d’infractions ?

La responsabilité des élus et des responsables des provinces et préfectures est en question. Il y a lieu de s’interroger sur l’absence de volonté chez les autorités locales pour mettre fin à cette saignée qui met en jeu l’avenir de la plus grande ville du Royaume. Le laisser-aller a atteint des sommets lors des élections législatives du 7 septembre dernier. «Des agents d’autorité en collusion avec des spéculateurs immobiliers ont fermé les yeux sur la construction de quartiers clandestins», admet un responsable qui a requis l’anonymat. L’intervention de l’Agence urbaine de Casablanca est souvent vue d’un mauvais oeil par ces agents, qui se croient assez puissants pour daigner rendre des comptes. Il faut mentionner que plusieurs propositions ont été rejetées par ces agents, dont notamment la création de brigades de contrôle commune pour arrêter l’hémorragie. Un immobilisme qui hypothèque le devenir d’une ville citée comme un symbole de modernité.

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Hay Hassani : 40% des infractions enregistrées à Casablanca

S’il est un domaine dans lequel l’on excelle dans la préfecture d’arrondissements de Hay Hassani, c’est bien celui des infractions. En atteste ce chiffre tristement record du nombre des violations des textes de l’urbanisme enregistré sur le territoire de cette préfecture. Entre façades non conformes, empiètements surélévation d’étages, accès à la terrasse ou absence de plans autorisés sur le chantier, pour ne citer que ces cas d’infractions notoires, la préfecture totalise 104 infractions aux textes de l’urbanisme.

Et ce, pour la seule période allant de juin à septembre de cette année. La préfecture de Hay Hassani totalise ainsi, à elle seule, près de 40% des infractions enregistrées à l’intérieur du périmètre urbain de la ville de Casablanca dont le nombre total s’élève à 271 pendant les quatre derniers mois.

À titre de comparaison, à la préfecture des arrondissements de Ain Chock, également connue pour des entorses au code de l’urbanisme, le nombre des infractions enregistrées pendant cette même période n’a guère dépassé le chiffre de 76. Ce qui la place néanmoins en seconde position, loin derrière Hay Hassani, dans ce triste palmarès.

Pour pousser la comparaison un peu plus loin, aucune infraction n’a été enregistrée à la municipalité d’El Mechouar. Il en est de même pour la préfecture des arrondissements de Ben M’Sick, alors qu’à la préfecture des arrondissements de Moulay Rachid, seule une infraction a été relevée. Dans les trois communes relevant de Casa Anfa, seules quelque 25 violations au code de l’urbanisme ont été enregistrées.

À noter que Hay Hassani a battu également des records dans la ville en matière de violations des normes et procédures en matière d’autorisation des ateliers d’exercice de professions artisanales. Des locaux ont été ouverts sans autorisation alors que, souvent, seul un accord verbal des services de la préfecture semble suffire.

M’Hamed Hamrouch

Aujourdhui.ma

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