Une campagne dont les objectifs réels ne sont plus à démontrer, son lancement ayant, curieusement ( !), coïncidé avec la visite au Maroc du président français Nicolas Sarkozy, les 23 et 24 octobre dernier. De simples allégations infondées, rapportées initialement par la chaîne de télévision France 3, et relayées à grand renfort de manchettes par des médias français, avaient été distillées à la veille du voyage du chef d’Etat français, accompagné d’une importante délégation de ministres et d’hommes d’affaires. «Le timing de la décision et de sa révélation aux médias n’est pas fortuit», estime un responsable marocain sous le couvert de l’anonymat. La politisation de cette affaire ne laisse aucune place au doute. Plus encore, «la diffusion de rumeurs et d’arrière-pensées tendancieuses, est de nature à porter préjudice au bon déroulement de l’instruction sur cette affaire lancinante et complexe, d’autant plus qu’elle a été entachée récemment de violations et de dépassements attentatoires à la loi, de la part du juge français ». Le (très) médiatique juge Ramaël, qui a été derrière l’ébruitement de cette désinformation, n’en a d’ailleurs pas été à une infraction près. «Ces dépassements irresponsables ont consisté, entre autres exemples, pour le juge d’instruction français, chargé du dossier, Patrick Ramaël, à se faire passer prétendument pour un exploitant agricole, à son arrivée dans notre pays en vue d’exécuter une des commissions rogatoires, et à dissimuler son statut judiciaire», dénonce le ministère de tutelle. Et ce n’est pas tout … Lors de sa randonnée marocaine, le juge français «s’est en outre conduit de façon cavalière avec le parquet près la Cour d’appel de Casablanca, notamment en faisant irruption dans le bureau d’un juge dudit parquet, en jetant par terre des documents, avant de prendre la fuite par les couloirs d’un tribunal, dans un comportement indigne du respect dû à la justice», épingle le ministère de la Justice. Précisant que le comportement du juge Ramaël dans cette affaire viole la convention judiciaire entre le Royaume du Maroc et la République française, de 1957, laquelle stipule en particulier de la loi du pays d’exécution, conformément au principe de la souveraineté, le ministère de la Justice a vigoureusement exprimé son rejet de telles tentatives «mues par des velléités colonialistes révolues». Il réaffirme, par contre, la disposition du Royaume à «apporter toutes les garanties et assurer les conditions matérielles et objectives, pour faire jaillir l’authentique vérité, qui n’est accessible, ni valable, qu’en suivant des procédures juridiques et judiciaires saines, et en écartant les versions fantaisistes». Interrogé par la presse au lendemain de la parution de cette désinformation, le ministre de la Justice, Abdelouahed Radi, avait assuré que son département n’avait été à aucun moment saisi d’un quelconque mandat contre des citoyens marocains, renvoyant dos à dos et le juge Ramaël et certains médias qui croyaient tenir là un «scoop».
Miloud Tounzi fait appel à la justice
Miloud Tounzi, dont le nom a été cité dans le cadre de l’affaire Ben Barka, a déposé plainte, mardi dernier, entre les mains du procureur de la République de Paris, du chef notamment de violation de secret de l’instruction et recel, apprend-on vendredi soir auprès de ses avocats, Me Andaloussi au Maroc et Me. Clément en France. «C’est avec la plus grande stupéfaction que le 19 octobre dernier, M. Miloud Tounzi a appris par M. Joseph Tual, journaliste à France 3, qu’un mandat d’arrêt international allait être remis contre lui dans le cadre de l’affaire Ben Barka», souligne M. Clément dans un communiqué dont la MAP a eu copie.
«Monsieur Tounzi a été d’autant plus choqué qu’il n’a jamais fait l’objet de la moindre convocation par le magistrat en charge du dossier, M. Patrick Ramaël et que M. Tual lui a même précisé qu’il disposait d’une fenêtre de passage de cinq jours pour quitter le Maroc», ajoute l’avocat. Il rappele que trois jours plus tard, ce même journaliste, «faisant fi de la présomption d’innocence, présentait M. Tounzi, sur France 3, comme le principal organisateur de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka».
Dans ces conditions, indique M. Clément, «M. Tounzi s’interroge sur les complicités qui pourraient exister entre les différents protagonistes de ce dossier judiciaire vieux de trente-deux ans».
Mustapha Tossa
DNCP à Paris