C’est sur Internet que les deux kamikazes, Abdelfettah Raydi et Youssef Khouidri, attendaient ce soir de sinistre mémoire de recevoir les instructions de leurs commanditaires pour exécuter leur dessein abominable. Le jihad à distance ne date sans doute pas de ce noir 11 mars 2007. Les activistes de la Salafya Jihadia ont découvert les «vertus» du Web il y a fort longtemps : un accès facile, pratiquement aucune règle ou censure, des communications anonymes et rapides, le faible coût lié à la création d’un portail et, au détour d’une page Web, des recrues qui n’attendent que le feu vert pour semer la terreur et la mort parmi des citoyens innocents. Le recrutement peut ne pas se faire in situ ; le terrorisme, qui n’a pas de frontières, a réussi à tisser sa «toile» sur le monde entier. Internet regorge de plusieurs sites jihadistes, dont les illustres «al hisba», «almoujahidoun», ou plus encore, «alikhlass». Le nombre de ce genre de sites est, par ailleurs, en constante évolution. Bien que les estimations du nombre de sites Web terroristes actifs varient, d’après l’opinion générale, ce nombre est passé de moins d’une centaine en 1996 à plus de 5000 à l’heure actuelle.
D’ailleurs, le Web a été l’un des principaux outils utilisés dans la planification et la coordination des attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington. L’onde de choc qui a secoué le centre des Etats-Unis ne tardera pas à atteindre le cœur de Casablanca, un certain noir vendredi 16 mai 2003. La réplique de dimanche 7 mars 2007 démontre-t-elle la vulnérabilité de notre pays face au danger terroriste ? Où faut-il alors chercher la faille? Est-ce par voie d’Internet que le malheur est arrivé ? Pourquoi les services de sécurité n’avaient pas verrouillé cette porte d’accès auparavant ? «Il ne faut pas s’étonner si les services de sécurité aient laissé le champ libre au cyber-activisme des jihadistes (…) Les sites jihadistes, en dépit du danger qu’ils représentent, constituent une banque de données importante pour recueillir des renseignements sur leur mouvement, d’autant plus que ces sites sont infiltrés par les services concernés», explique le chercheur Abdellah Rami.
Seulement voilà, cette liberté «surveillée» dont disposent les salafistes ne risque-t-elle pas pour autant de faire des victimes ? C’est à la fois la face et le revers de la médaille. Si cette stratégie permet à ces services de recueillir des renseignements utiles à leur investigation sur l’activité des jihadistes, il n’en demeure pas moins que ses premières victimes sont des jeunes en panne de repères. Les spécialistes du terrorisme sont unanimes à constater que les sites jihadistes comptent parmi leurs clients une catégorie d’âge qui n’est pas suffisamment immunisée pour se prémunir contre la tentation du terrorisme, soit une jeunesse « excédée » par l’hégémonisme américain. Ce n’est ainsi pas un hasard si des jeunes Marocains ont été retrouvés morts en Irak. C’est la preuve, à qui veut bien voir, que l’hydre Al Qaïda, à travers ses antennes marocaines, a réussi à s’infiltrer au Maroc, en mettant à profit un moyen de communication terrible : Internet.
Selon les dernières données annoncées par le ministère de l’Intérieur, les services de sécurité ont arrêté, depuis dimanche dernier, 18 personnes et sont toujours à la recherche de six autres individus en relation avec la bande de Abdellatif Raydi. Selon Chakib Benmoussa, cette cellule planifiait ses actes depuis novembre dernier.
M’Hamed Hamrouch
Aujourdhui.ma