L’air triste, cette fille qui vient d’avoir ses seize printemps semblait perdue dans ce monde de préparatifs de la plus belle nuit de toutes les femmes. Pourquoi ? Serait-elle obligée de se marier avec un jeune homme qui ne lui plaît pas ? Au contraire, c’est un jeune que souhaite épouser n’importe quelle fille du douar, sérieux, serviable et jouissant d’une bonne réputation. Certes, il ne l’a jamais rencontrée pour lui demander si elle était d’accord de l’accepter comme futur époux ou non. Il s’est contenté de dévoiler son désir de l’épouser à ses parents pour que ces derniers se rendent chez les siens pour demander sa main. La demande a été acceptée sans aviser Hakima. Cette dernière n’avait le droit ni d’accepter ni de s’opposer. Elle n’avait qu’un seul droit : obtempérer aux décisions de ses parents. Ces derniers ont imaginé qu’ils étaient chanceux d’avoir ce jeune homme, plus respecté, comme futur gendre. L’acte de mariage devait être établi le plus tôt possible. Si le futur mari a déjà préparé son dossier, il ne lui restait que le certificat médical de Hakima. Pour l’acquérir, la future mariée a été conduite par sa mère chez un médecin.
Après l’avoir consultée, ce dernier s’est tourné vers la mère pour lui annoncer la mauvaise nouvelle : «Ta fille n’est plus vierge…Elle est enceinte et elle est à son septième mois…».
Gardant le silence, la fille se contentait de regarder sa mère qui semble avoir perdu la tête. Le médecin n’a-t-il pas bien consulté sa fille ? N’est-elle vraiment plus vierge ? Qui aurait pu la dépuceler alors qu’elle ne quittait chez-elle que pour se rendre chez ses grands-parents ? Pourquoi n’avait-elle jamais remarqué que son ventre se gonflait au fil des jours ? Pourquoi n’avait-elle pas constaté les premiers signes de la grossesse ? Assume-t-elle la responsabilité de ce qui est arrivé à sa fille ? Que doit-elle dire à son mari, à la famille du futur époux, aux voisins du douar ? Sans avoir de réponses à ses questions, elle s’est contentée de payer le médecin qui lui a remis le certificat médical attestant que Hakima n’est plus vierge depuis quelques mois et a conduit sa fille chez elle. Avec qui couchait-elle ? À quel moment ?
«Avec mon oncle maternel…», a répondu Hakima les larmes aux yeux. La réponse a fait l’effet d’une bombe chez la mère. «Tu couchais avec mon frère ?», s’est-elle interrogée sans la croire. Comment ?
«Tu m’as envoyé chez ma grand-mère quand ma tante a accouché…», a commencé Hakima à raconter à sa mère.
Quand elle y était, Hakima a accompagné son oncle, son aîné de cinq ans, au puits pour s’approvisionner en eau. En y arrivant, il l’a conduite calmement vers une chambre abandonnée située près du puits. Certes, elle ne pouvait pas imaginer que son oncle pourrait lui faire du mal. Mais il l’a obligée à enlever son pantalon.
Quand elle a refusé, il l’a menacée de la tuer. Hakima a cédé.
Depuis, il n’hésitait pas à la conduire de temps en temps à la même chambre, profitant de l’absence de ses parents et frères ou de leur sommeil durant la nuit pour coucher avec elle. «Il m’obligeait de le faire…», a-t-il raconté à sa mère.
C’est la même version qu’elle a racontée aux éléments de la Gendarmerie Royale de Settat.
Arrêté, l’oncle en cause a reconnu avoir eu une relation incestueuse avec sa nièce. « Mais dans son plein gré, je ne l’ai jamais obligée à coucher avec moi », a-t-il déclaré aux enquêteurs.
Il leur a précisé que sa mère a voyagé à Agadir quand il est rentré à la maison pour surprendre Hakima renfermée dans une chambre s’apprêtant à changer ses vêtements. «Elle était toute nue… je me suis avancé vers elle et j’ai palpé ses seins…Elle ne m’a pas repoussé, elle a accepté de jouer avec moi le jeu jusqu’au bout…», a-t-il expliqué. Depuis, il a continué à coucher de temps en temps avec elle, a-t-il ajouté. Elle ne lui a jamais révélé être enceinte.
L’oncle a été arrêté et a été condamné, dernièrement, à deux ans de prison ferme par la chambre criminelle, premier degré, près la Cour d’appel de Settat. Alors que sa nièce a accouché, il y a une vingtaine de jours, d’une petite fille. Quel sera son avenir ?
Abderrafii ALOUMLIKI
Aujourdhui.ma