Chambre criminelle près la Cour d’appel d’El Jadida. Une jeune femme, Halima, entre dans la salle d’audience. Elle paraissait troublée. Elle s’arrêta un petit moment et tourna ses regards vers l’assistance à la recherche d’une personne proche. Cependant, le policier, qui la surveillait, lui a demandé gentiment d’avancer. Elle rejoint les autres mis en cause au banc des accusés. Vêtue d’une djellaba grise et portant un foulard blanc, elle avait visiblement peur car c’est la première fois qu’elle comparaît devant un tribunal. Et c’est naturellement qu’elle appréhende le procès et ses conséquences. Elle va certainement être expédiée en prison.
«Halima A», appelle le président de la cour qui a ordonné à l’assistance de se taire. Celui qui osera lever sa voix, sera expulsé de la salle, avertit-il sur un ton ferme. Le silence règne dans la salle d’audience. Halima comparaît à la barre. Elle se tient devant les magistrats. Soudain, elle éclate en sanglos. Regrette-t-elle l’acte criminel qu’elle avait commis?
«Je n’ai jamais pensé frapper mon amie Monsieur le président», s’est-elle empressé de se justifer avant même qu’elle soit interrogée. Et le président lui a ordonné de ne répondre qu’une fois questionnée : «Que fais-tu dans la vie ?». Halima a gardé le silence. Il semble qu’elle n’a pas eu le courage de dire : «Je suis une prostituée». Depuis son dix-huitième printemps, cette jeune femme de vingt-quatre ans s’adonne à la prostitution. Elle est devenue une professionnelle. Elle passait ses journées chez elle, dans une chambre avec voisins, et fréquentait les boites de nuit et les endroits interlopes en quête des adeptes des amours tarifées qui savent se montrer généreux.
«Depuis quand connaîs-tu Rabiâ ? », lui a demandé le président de la cour, qui la fixait d’un regard profond.
Halima ne s’en souvient pas. «Il y a huit ou dix mois, M. le président», balbutie-t-elle.
Elle l’a rencontrée pour la première fois dans un café. L’air triste, Rabiâ était seule. Par hasard, son regard a croisé celui de Halima qui n’a pas hésité de lui lancer un beau sourire. Prenant son café, Halima l’a rejointe à sa table et l’a encouragée à lui ouvrir son cœur. Rabiâ lui a raconté toute son histoire. Orpheline de mère, elle s’est retrouvée sous le même toit avec une belle-mère sans pitié et un père qui la négligeait. Enfin, elle a choisi de travailler comme bonne chez des familles aisées d’El Jadida. Elle faisait les courses et la lessive. Elle devait prendre soin de la maison et servir tous les membres de la famille.
Une corvée quotidienne contre un salaire mensuel de misère. Et d’un foyer à l’autre, la petite Rabiâ a grandi et est devenue une belle femme. Son corps svelte séduit plus d’un. Ses employeurs et leurs enfants l’harcelaient. Chacun a tenté sa chance avec elle. Elle cède à l’un d’eux, qui finit par l’abandonner. Pis encore, il l’encourage à s’adonner à la prostitution. Elle rapporte beaucoup plus que le ménage, lui explique-t-il. Croisées au bar par deux jeunes hommes, Halima et Rabiâ ont accepté leur invitation. Un moment plus tard, Halima a quitté les lieux sans prévenir. Rabiâ et les deux jeunes hommes n’arrivaient pas à comprendre le comportement de Halima. Tout à coup, l’un des deux jeunes s’est rendu compte de la disparition de son téléphone portable. Halima l’a-t-elle subtilisé avant de partir ?
Pour en avoir le cœur net, Rabiâ l’a rejointe à la chambre. Elle l’a traitée de voleuse.
La dispute verbale dégénère, le ton est monté d’un cran. Halima a saisi un couteau qui était sur la table et a donné un coup à Rabiâ. Cette dernière a réussi à lui enlever le couteau. Toutefois, Halima qui semble avoir perdu la tête a pris un rasoir et a commencé à lui balafrer le visage, puis tout le corps. C’est le lendemain matin que Rabiâ a été évacuée vers l’hôpital. «J’étais sous l’effet de l’alcool», a reconnu Halima à la cour, dans l’espoir de bénéficier de circonstances atténuantes.
Mais la cour l’a condamnée à dix ans de prison dont quatre ans fermes et six avec sursis.
Aujourd’hui.