Elle s’appelle Aïcha et il se prénomme Abdellah. Ils sont nés au même quartier à Boujniba, province de Khouribga. Dès qu’ils ont appris à marcher, ils jouaient et bavardaient ensemble. Ils couraient, criaient, se chamaillaient et se réconciliaient. Quand ils ont atteint l’âge de la scolarité obligatoire, ils ont mis tous les deux les pieds à la même école. Leurs parents ne se rendaient pas compte du développement de leur relation. Pour eux, Aïcha et Abdellah n’étaient que deux enfants innocents qui se lient d’amitié enfantine. Ni plus ni moins. Les enfants grandissaient et sont devenus des adolescents. Leur relation se développait davantage et se consolidait au fil des jours au point qu’ils ne pouvaient plus passer une journée sans se voir. Ils se réfugiaient souvent dans un coin de l’école ou du quartier pour échanger des mots tendres et des baisers.
Malheureusement, leur parcours scolaire s’est mal passé. Ainsi, Aïcha et Abdellah ont quitté les bancs de l’école très tôt. Cependant, ils se rencontraient régulièrement. Après avoir échoué dans ses études, Abdellah a décidé de chercher un travail. Mais en vain. Comme d’autres jeunes sans emploi de sa ville, il passait sa journée à sillonner les rues. Son amour pour Aïcha grandissait au fil des jours et a atteint son paroxysme. Il pensait sérieusement à la demander au mariage. Cependant, il est chômeur. Sa famille, se dit-il, n’approuvera pas leur union. Plus le temps passait, plus il s’inquiétait. Il avait peur qu’un autre homme, capable d’assumer financièrement le mariage, la lui prend. Cette pensée le hantait jour et nuit. Un jour, il a sollicité ses parents de se rendre chez la famille de son bien-aimée pour la demander en mariage. «Il faut trouver un emploi», lui lançait sa mère à chaque fois qu’il abordait le sujet. Abdellah a confié un jour ses angoisses à Aïcha.
Depuis, elle aussi s’inquiétait. Elle ne dormait pas la nuit. Elle a avoué à ses parents à haute voix qu’elle aime Abdellah et qu’elle ne se mariera pas avec une autre personne. «Si vous insistez, je me suiciderai», leur a-t-elle dit. Ses parents n’ont pas cru leurs oreilles. Ils ne pensent pas tout de même marier leur fille à un chômeur. Contre le gré de leurs parents, les deux tourtereaux se sont mariés et ont occupé une chambre avec la famille d’Abdellah. Un mois plus tard, Aïcha est tombée enceinte. Et les problèmes se sont déclenchés entre les deux époux. Pour le moindre malentendu, les invectives cédaient la place aux mains et coups de pied. Leur vie d’amoureux a complètement changé. Le climat au sein du couple dégénerait. C’est l’enfer ! Abdellah est devenu très agressif. Ce jeune homme qui était sympathique, n’a jamais touché ses voisins, ni avoir échangé des injures avec eux et qui jouissait d’une bonne réputation, est devenu un monstre. «Que lui est-il arrivé?» s’interrogeaient sa famille et ses voisins. Est-ce que le chômage en est pour quelque chose ? Personne n’avait de réponse convaincante. Aïcha ne pouvant plus supporter ses comportements agressifs, lui a réclamé le divorce. Leurs parents sont intervenus à maintes reprises pour les réconcilier, pour les inciter à vivre en paix comme auparavant et à les encourager à assumer leur choix. Mais en vain. Les querelles se multipliaient. Les deux époux ne se supportaient plus.
Comme à l’accoutumée, Aïcha et Abdellah se sont échangés les invectives puis les coups de mains avant de s’allonger enfin sur le même lit pour dormir. Etrange !
Abdellah s’est plongé quelques minutes plus tard dans un profond sommeil. Aïcha par contre est restée éveillée. Elle pensait à son avenir et à celui de son enfant qui était encore dans son ventre. Soudain, elle est descendue du lit et a avancée vers la cuisine après s’être rassurée que tout le monde dorme. Elle a allumé la bonbonne de gaz, a mis une poêle au-dessus et l’a remplie avec d’l’huile. Quand elle est devenue très chaude, elle a saisi la poêle et elle est retournée à la chambre à coucher. Puis, elle a aspergé avec de l’huile chaude le corps de son mari. En sursautant de son lit, ce dernier s’est évanoui. Aïcha s’approcha pour s’assurer qu’il est mort. Abdellah n’a pas bougé. En croyant qu’il est mort, elle s’est rendue directement vers le centre de la gendarmerie royale de Boujniba. «J’ai tué mon mari», a-t-elle avoué. Les gendarmes, qui étaient à la permanence se sont dépêchés sur les lieux pour réveiller la famille d’Abdellah. En rentrant dans sa chambre, ils l’ont découvert encore en vie. Il a été évacué à l’hôpital pour être soigné de ses brûlures de troisième degré. Arrêtée, Aïcha souffrait de convulsions, en particulier à cause de sa grossesse.
source:aujourdhui