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Ecouter les premières victimes du changement climatique

Quant aux Etats-Unis, ils ont leur propre initiative, et s’opposent à ce qu’ils considèrent comme des objectifs et des dates arbitraires.
Nous verrons où tout cela mène. Mais nonobstant les débats entre les Etats-Unis et l’Europe, certains faits sont indéniables. Premièrement, les données scientifiques sont claires.

Il ne fait aucun doute que la Terre se réchauffe. Nous, les êtres humains, en sommes la principale cause.

Chaque jour qui passe apporte de nouvelles preuves, que ce soit le dernier rapport de Greenpeace sur le recul des glaciers de l’Everest ou la découverte, faite la semaine dernière, que l’Atlantique ne peut plus absorber de CO2. Difficile à imaginer : le plus grand piège à carbone de la planète est plein à ras bord.

Deuxièmement, c’est maintenant qu’il faut agir. La plupart des économistes sont d’accord : ne rien faire coûtera plus cher – probablement beaucoup plus cher – qu’intervenir rapidement.
Que les ravages que Katrina a faits à la Nouvelle-Orléans soient ou non liés au réchauffement de la planète, ils montrent bien le danger qu’il y a, sur les plans financier et social, à attendre.

Il est évident que nous ne pouvons plus nous permettre de réfléchir à l’infini aux options possibles. La solution qui fait rage aujourd’hui – les échanges de droits d’émission de carbone – n’est qu’une des armes de notre arsenal.

Les nouvelles technologies, les économies d’énergie, les projets de reforestation et les combustibles renouvelables, ainsi que les marchés privés, sont autant d’éléments qui doivent entrer dans notre stratégie à long terme.

Le travail d’adaptation en est un autre, car nous aurons beau essayé d’atténuer les effets des changements climatiques, il y a une limite à ce que nous pouvons faire. Troisième fait, et c’est à mes yeux le plus important : ce que nous avons devant nous est une question d’équité fondamentale, une question de valeurs, une des plus grandes questions morales de notre temps.

Le réchauffement planétaire nous touche tous, mais il nous touche tous différemment. Les pays riches ont les ressources et le savoir-faire nécessaires pour s’adapter.

L’agriculteur africain, dont les récoltes ou les troupeaux sont anéantis par la sécheresse et les tempêtes de poussières, et l’habitant de Tuvalu, dont le village pourrait être bientôt englouti par les flots, sont infiniment plus vulnérables. C’est une dichotomie que nous connaissons bien : riches et pauvres, Nord et Sud. Pour le dire platement, les solutions que les pays développés proposent pour lutter contre le réchauffement planétaire ne peuvent léser les moins favorisés du monde.

Comment serait-il possible de réduire la pauvreté de moitié, comme le prévoient les Objectifs du Millénaire pour le développement solennellement affirmés aux précédents sommets du G-8, sans répondre aux aspirations qu’ont les pays en développement quant à leur part dans la prospérité mondiale ? Tous les problèmes que les peuples du monde doivent affronter ensemble, y compris les changements climatiques, doivent être abordés sous l’angle de leur dimension humaine. J’y vois là une obligation, un prolongement du devoir sacré de protéger qui constitue le fondement de l’Organisation des Nations unies.

Chaque jour, quand je traverse le hall du siège de l’Organisation, à New York, j’ai sous les yeux les photos de photojournalistes comptant parmi les plus célèbres du monde. Elles montrent le visage et font retentir la voix de ceux qui, trop souvent, ne sont ni vus ni entendus, de ceux qui, partout dans le monde, vivent dans une détresse encore aggravée par les changements climatiques. Parfois, les débats qui se tiennent au Conseil de sécurité, généralement peu entraînants et empreints de langue de bois diplomatique, prennent soudain vie et, l’espace d’un instant, n’ont plus rien de diplomatique.
C’est arrivé récemment, en avril.

La question était celle du danger que posent les changements climatiques et le représentant de la Namibie s’est pratiquement mis à crier : “Cela n’a rien de théorique ! C’est une question de vie ou de mort pour mon pays ! ”.

Décrivant l’expansion des déserts du Namib et du Kalahari, qui détruit les terres arables et rend des régions entières inhabitables, il m’a fait penser à mon pays, la Corée, sur lequel s’abattent de plus en plus souvent des tempêtes de poussière arrivées du désert de Gobi, lui aussi en expansion après avoir survolé la mer Jaune.

Le paludisme touche aujourd’hui des régions où il n’était auparavant pas présent, a-t-il ajouté. Des espèces végétales et animales sont en train de disparaître, dans un pays réputé pour sa diversité biologique. Les pays en développement comme la Namibie sont, de plus en plus, victimes de ce qu’il a comparé à une “guerre biologique ou chimique de faible intensité”. Cette intervention, tirée de la réalité, non pas de l’imagination, exprimait des émotions très profondes. Il est important que les pays en développement entendent les appels et réagissent en conséquence.

C’est le message que j’essaierai de faire passer dans les jours qui viennent à Heiligendamm. C’est aussi la raison pour laquelle j’annoncerai bientôt qu’un sommet spécial sur les changements climatiques se tiendra à New York, en septembre, avant la session annuelle de l’Assemblée générale, comme l’ont demandé le Bangladesh, les Pays-Bas, la Norvège et le Brésil, ainsi que Singapour, la Barbade et le Costa-Rica.

C’est, enfin, la raison pour laquelle j’ai récemment nommé trois envoyés spéciaux dont la mission est de représenter les intérêts et d’exprimer les préoccupations des pays les plus vulnérables aux changements climatiques, qui abritent l’immense majorité des habitants de la planète.

Je me félicite que le Président Bush compte, comme il l’a récemment déclaré, lancer lui aussi une initiative relative aux changements climatiques. Je l’engage vivement à le faire dans le cadre des échanges mondiaux qui ont lieu à l’Organisation des Nations unies, de sorte que nos activités puissent se compléter et se renforcer mutuellement.

En décembre, les dirigeants politiques du monde se réuniront à nouveau, à Bali, pour pousser plus loin les décisions qui seront prises en Allemagne cette semaine et lors de rencontres ultérieures. Mais n’oublions pas ceci : un accord conclu au sein du G-8 ne serait pas de portée mondiale et ne pourrait apporter de solution à un problème mondial. Il est temps de penser autrement et d’ouvrir la porte plus grand. Il ne peut plus être question de statu quo.

Ban Ki-moon, Secrétaire général des Nations unies |

lematin.ma

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