«Au nom de S. M le Roi, j’ouvre l’audience», annonce le président après avoir ordonné à l’assistance de reprendre sa place.
La salle d’audience était archicomble bien que le nombre des affaires programmées ne dépasse pas six ou sept. La cour devait débattre d’une affaire qui a défrayé la chronique locale. Lorsque le président a appelé les deux jeunes mis en cause, un silence a régné dans la salle d’audience. Il semble que l’assistance accordait une grande attention à cette affaire. Pourquoi ? Il s’agit de celle de deux inspecteurs de police.
«Vous êtes accusés d’abus de pouvoir et de corruption…», lâche le président.
Aucun d’entre eux ne répondit. Le président s’est donc adressé à l’un d’eux en le sommant de répondre.
«Nous sommes innocents M. le président…», a-t-il déclaré.
Le sont-il vraiment ? Selon le procès-verbal de l’affaire, les deux inspecteurs de police ont été arrêtés en flagrant délit d’abus de pouvoir et de corruption. L’affaire s’est déroulée durant l’été dernier à Martil. Les mis en cause, qui exerçaient au deuxième arrondissement à Tétouan, se sont mis d’accord pour profiter des largesses de l’un des entrepreneurs de la ville. Comment ? L’un d’entre eux lui a téléphoné pour prendre rendez-vous avec lui. L’entrepreneur n’en savait pas la cause, ni l’objectif, surtout que son interlocuteur ne voulait rien lui expliquer par téléphone. Pourquoi le policier voulait-il le voir ? L’un de ses enfants a-t-il été impliqué dans une affaire criminelle ? Est-il impliqué dans une affaire commerciale ou autre ? A-t-il été appelé pour servir de témoin ? Impatiemment, il a attendu son interlocuteur. Quand il est arrivé chez lui, ce dernier n’était pas seul, il était accompagné d’un autre inspecteur de police. Il les a accueillis chaleureusement. Des verres de café leur ont été servis avant qu’ils n’entrent dans le vif du sujet.
«Ton nom a été révélé par l’un des trafiquants de drogue et tu es maintenant considéré comme en état de fuite…», lui a révélé l’un des deux inspecteurs de police.
Une information qui a plongé l’entrepreneur dans le désarroi. Son nom a-t-il vraiment été révélé par un trafiquant de drogue récemment arrêté? Que doit-il faire donc pour éviter la prison ? Les deux inspecteurs de police lui ont proposé une solution. Mais pas gratuitement. Ils lui ont demandé de leur remettre une somme de 200 mille dirhams pour supprimer son nom du “terminal informatique” central. Sans trop penser, il a accepté et il leur a versé illico 100 mille dirhams.
«Vous pouvez revenir recevoir le reste une fois que vous aurez fini…», leur a-t-il promis.
Après avoir empoché l’argent, ils disparurent. Quelques jours plus tard, ils ont repris contact avec lui pour lui annoncer qu’ils ont achevé leur besogne. Ils prirent rendez-vous avec lui à Martil. Seulement, après mûre réflexion, l’entrepreneur s’est rendu compte qu’il n’avait jamais eu de relations avec un quelconque trafiquant de drogue. Il a donc déposé plainte auprès du parquet général qui a donné ses instructions pour mener une enquête sur les abus de pouvoir de ces deux inspecteurs de police. Ils ont été arrêtés en flagrant délit. Ils étaient en train de recevoir les 100 mille dirhams que leur victime leur avait promis.
Reconnus coupables, ils ont été condamnés à deux ans de prison ferme ; un jugement qui a mis fin à leur carrière.
Abderrafii ALOUMLIKI