Le mufti paraît oublier que le Prophète s’est battu sa vie durant pour que les femmes héritent (au moins la moitié des hommes), que l’excision soit modérée, refusant surtout et catégoriquement que l’on marie une fille de force, sans son consentement. Le flamboyant Maghraoui semble également (et très dangereusement) vouloir se mesurer à une icône religieuse inégalable, l’utilisant comme un prétexte pour légitimer une pratique scandaleuse au regard de notre époque. «L’époque de notre Prophète est complètement différente de la nôtre. Les réalités sociales ne sont pas identiques. L’environnement de l’époque du Prophète favorisait et légitimait ce genre de mariage. De nos jours, un tel mariage serait une véritable injustice vis-à-vis de la fille», relève le député islamiste Abdelbari Zemzmi. Cet ancien prédicateur estime qu’une fille de neuf ans ne déchiffre pas le sens du mariage. «Comment peut-on donc l’obliger à assumer une responsabilité qui demeure inconnue pour elle ? », s’interroge-t-il. «C’est une véritable aberration. Cette fatwa relève d’un univers complètement absurde. Marier une fille de neuf ans, c’est plus que précoce. C’est une tragédie que toute famille refuserait de faire subir à son enfant», relève le député islamiste Abdelbari Zemzmi, indigné. Plus indignée encore, est la présidente de l’Association «Touche pas à mes enfants», Najia Adib. Réagissant à la fatwa en question, la militante associative a dit mettre au défi l’auteur même de la fatwa d’appliquer le même avis à sa propre progéniture. «C’est le monde qui avance à reculons !», s’exclame un observateur, bouleversé à l’idée que, après l’adoption du nouveau Code de la famille, l’on puisse entendre des débilités pareilles. «C’est une incitation déguisée à la pédophilie», se révolte-t-il. «La nouvelle Moudawana limite l’âge du mariage à 18 ans», précise l’ancien imam Abdelbari Zemzmi. «C’est une fatwa absurde dont le seul but pour son auteur est de se faire connaître», observe-t-il, relevant une grosse dérive du rôle même du prédicateur religieux. «Logiquement, le rôle du mufti dans une société est d’aider les individus à résoudre leurs problèmes quotidiens et non pas leur compliquer l’existence plus qu’elle ne l’est déjà», affirme M. Zemzmi. Derrière le marketing médiatique recherché, il y a l’intox d’un mufti qui s’est nourri aux mamelles du wahhabisme, avec ce que cela implique en termes d’extrémisme. Il suffit de rappeler que le dénommé Al-Maghraoui fut accrédité, et très encouragé, en Arabie Saoudite qui est le terreau du wahhabisme. Il n’est donc pas étonnant de voir ce Monsieur Maghraoui, – comme on en a vu des dizaines bien avant lui -, tenir des sornettes pareilles. Mais cela exige de la société marocaine une grande vigilance.
Une mobilisation tous azimuts doit être lancée pour barrer la route devant les visées obscurantistes et intégristes. Car, ces deux maux se nourrissent du silence, qui peut être interprété comme un consentement. D’autant plus que l’hérésie de M. Maghraoui est puisée dans un registre étranger et donc étrange à la tradition marocaine, portée par la lucidité et la tolérance.
M’Hamed Hamrouch
Aujourdhui.ma