Chronique : Le chômage des jeunes, que faire ?

Notre pays, comme tant d’autres, souffre d’un chômage aggravé des jeunes. Il est intéressant d’étudier comment l’Union Européenne fait face à ce problème, et en tirer les leçons pour le Maroc. Un constat tout d’abord : le chômage des jeunes est supérieur à la moyenne nationale : en France par exemple il est de 22,3% pour les jeunes en 2005, contre 9,5% qui est la moyenne nationale. Le chômage des jeunes est différent selon les pays européens : il culmine en Italie avec 24,1%, et le taux le plus bas se trouve au Danemark avec 8,1%.

Comment les pays de l’Union européenne ont essayé de résoudre ce problème ?

Deux politiques ont été adoptées : celle de l’Espagne et de la France, qui ont élaboré des contrats de travail spécifiques pour le chômage des jeunes, et les autres pays de l’Union Européenne qui n’ont pas pris de mesures spécifiques pour le chômage des jeunes.

L’Espagne, tout d’abord, a créé dès 1997, un contrat permanant de promotion de l’emploi, qui inclue les jeunes de moins de 30 ans. La période d’essai est de 2 mois, et les indemnisations de chômage en cas de rupture lors des deux premières années, sont de 15% du cumul des salaires nets perçus. Quant aux employeurs espagnols qui utilisent ce type de contrat, ils bénéficient d’une bonification des cotisations sociales pouvant aller jusqu’à 40% pendant les deux premières années du contrat. Les résultats pour l’Espagne, qui a prorogé ce contrat en 2001, ne sont guère encourageants, puisque le taux de chômage dans jeunes en Espagne culmine toujours à 19,7% en 2005.

La France de son côté, sous l’impulsion du Premier Ministre VILLEPIN, vient de lancer le CPE : Contrat Première Embauche. Ce contrat concerne les jeunes de moins de 26 ans, et les entreprises de plus de 20 salariés. C’est un CDI : Contrat à Durée Indéterminée, qui comporte une période de consolidation de deux ans. Il n’est fixé aucun plafond de salaire, qui est librement négocié entre l’employeur et l’employé. La particularité de ce contrat est que l’employeur peut mettre fin au contrat à tout moment et sans motif, avec préavis obligatoire après le premier mois de travail. Il est prévu cependant une indemnité de chômage en cas de rupture de contrat après quatre mois de travail.

A l’indemnité de rupture de contrat, s’ajoute une allocation forfaitaire versée par l’Etat de 460 Euros pendant deux mois. Ce contrat donne droit à la formation de l’employé après un mois de travail. Des formules ont été étudiées avec la Fédération des banques françaises, pour l’octroi aux employés bénéficiant de ce contrat, de l’accès au crédit et au logement. Il n’est pas prévu de bonification des cotisations sociales pour les employeurs pour ce type de contrat.

Le CPE a déclenché un lever de boucliers des syndicats étudiants, des lycéens et des partis de gauche français. Les attaques les plus virulentes ont porté sur la clause permettant à l’employeur de licencier l’employé à tout moment et sans motif. Les manifestations qui se sont déroulées partout en France le Samedi 18 Mars 2006, ont regroupé plus d’un million de personnes, exigeant le retrait pur et simple du CPE.

Les autres pays de l’Union Européenne n’ont pas adopté de contrats de travail spécifiques pour les jeunes. Ils ont préféré multiplier les mesures d’apprentissage, combinant emploi et formation. Ils ont également mis en place un suivi personnalisé des jeunes chômeurs, et essayé d’améliorer le fonctionnement général du marché du travail. Ils ont tenté également d’accroître la flexibilité du travail, en réduisant le coût de perte du travail à durée indéterminée.

Le cas du Danemark est intéressant à plusieurs titres. C’est le pays où le chômage des jeunes est le plus faible (8,1%), grâce à une longue tradition de dialogue social : 80% des chômeurs danois retrouvent un travail au bout de six mois. En outre le Danemark encourage les jeunes à mener de longues études tout en exerçant un petit boulot. Dans ce pays, 60% des 18-25 ans ont un emploi, et 85% des plus de 22 ans ont un diplôme de l’enseignement secondaire.

Que penser de la politique européenne en matière d’emploi des jeunes ?

Il faut reconnaître tout d’abord, que l’exemple de l’Europe n’est pas le meilleur. Le taux de chômage des jeunes de l’Europe des 15 a été de 16,7% en 2005, alors qu’il n’était que moins de la moitié aux Etats-Unis d’Amérique. Le principal reproche qu’on peut faire à la politique européenne de l’emploi, est le manque de flexibilité de la législation du travail, et le souci de sécurité de l’emploi. Or, du fait de la mondialisation, la concurrence est devenue draconienne, et les prévisions d’activité quasiment impossible.

Il faut permettre au chef d’entreprise de licencier facilement, pour pouvoir recruter aussi facilement. Les réactions vigoureuses contre le CPE en France ne sont qu’une bataille d’arrière garde. L’Etat Providence et la stabilité de l’emploi n’existent plus en ce début du XXIème siècle. Il faut que les jeunes le comprennent, qu’ils se prennent en charge, et qu’ils se battent pour trouver et garder un emploi.

Le Maroc ferait bien de ne pas imiter l’exemple européen, notamment du fait qu’il n’a pas les moyens financiers pour promouvoir une politique généreuse de l’emploi. Il devrait adopter une politique flexible de l’emploi, accompagnée d’une réforme radicale de l’enseignement, pour l’adapter aux besoins de l’économie marocaine. Il devrait également accentuer la formation professionnelle et l’apprentissage dans les entreprises. Les jeunes marocains devront également se prendre en charge, et ne pas attendre que l’Etat leur fournisse un emploi dans l’Administration publique.

Jawad KERDOUDI

Menara.ma

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