Abdallah rêvait de fuir la misère de la campagne, de découvrir Casablanca, ce paradis dont parlaient les jeunes de son douar à la manière des conteurs, de s’installer dans cette ville afin d’amasser de l’argent et aider ses parents. Il n’aurait jamais pu imaginer que cette aventure lui vaudrait une si lourde accusation.
À son vingtième printemps, Abdellah abandonne son douar limitrophe de la province d’Essaouira et laisse derrière lui ses parents et ses onze frères et sœurs. Il accompagne quelques jeunes du douar qui séjournent depuis longtemps à Casablanca. À son arrivée, il s’installe avec eux dans une chambre dans l’ancienne Médina. Il trouve un travail chez un commerçant. Puis il décide de se trouver un logis, ne pouvant plus supporter de s’entasser avec ses six amis du douar dans une même chambre. Il finit par trouver une chambre qu’il partage avec Mohamed, ami et voisin de son douar.
« Mohamed s’enivrait sans cesse et entretenait des relations avec des prostituées… Il me gênait… », raconte Abdellah à la Cour.
Abdellah ne savait pas que son ami et voisin du douar était un ivrogne. Au douar, il ne l’avait jamais vu ne serait-ce que fumer une cigarette. Mais là, il découvre les vices bien cachés de Mohamed. Au début, Abdellah tente comme il peut d’éviter son compagnon de chambre. Jusqu’au jour où l’irréparable s’est produit.
En rentrant chez lui, cette nuit-là, Abdallah découvre Mohamed en train de s’enivrer.
«Si tu permets, prépare moi du thé», demande Mohamed à Abdellah. Ce dernier accepte. Mohamed s’approche alors de lui et lui propose de lui allumer une cigarette. Abdellah refuse. Mohamed lui propose de boire en sa compagnie. Abdellah refuse à nouveau. Mohamed insiste. Abdellah s’obstine dans son refus. Mohamed se jette alors sur lui, lui assénant un coup de poing.
«J’ai envie que tu boives avec moi… au moins une fois…», lui déclare Mohamed qui fait mine de le menacer d’un recours à la violence en cas de nouveau refus.
Abdellah est figé. Il ne sait ni quoi dire ni quoi faire. Il tente de sortir. Mais Mohamed l’en empêche et lui assène un coup de poing. Cela met Abdellah hors de lui. S’énervant, il repousse rudement son ami. Mohamed tombe à terre, essaie de retrouver son équilibre, se redresse, injurie et se jette à nouveau sur Abdellah. Ce dernier se montre plus agressif, il est hors de lui, il repousse donc Mohamed de toutes ses forces. Ce dernier tombe à nouveau avant de tenter de se redresser. Mais en vain. Du sang coule de sa tête.
Abdellah, soulagé d’avoir mis Mohamed KO, ne s’inquiète pas des blessures causées. Comme un automate, il rejoint son lit.
En se réveillant le matin, il découvrira Mohamed mort. Il se rend alors chez l’un de ses compagnons de douar et lui relate les péripéties de la dispute qui a conduit au drame. L’ami en question lui conseille de se livrer à la police. Ce que Abdallah fait aussitôt.
La Cour l’a jugé coupable de coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner. Mais Abdellah a bénéficié des circonstances atténuantes dues à son état de légitime défense. Il a été condamné à quinze ans de réclusion criminelle.
Abderrafii ALOUMLIKI