En fait, l’affaire a été déclenchée par les services du domaine privé de l’Etat, pour faire valoir les droits de l’Etat marocain sur le terrain objet du titre foncier n° 602/G. À l’origine, ce terrain appartenait à deux propriétaires, dont un baron de la drogue qui fut jugé par contumace en 1996 pour trafic international de drogue avec confiscation de ses biens aux profits de l’Etat.
Aujourd’hui, c’est Miloud Châabi, grand promoteur national, qui est propriétaire de ce terrain dont la valeur réelle a été estimée à 2.000 DH le mètre carré. Le promoteur en question soutient qu’il détient un certificat délivré par la conservation foncière, à l’époque de l’acquisition, attestant que le titre foncier 602/G était libre de toute charge et de toute mesure judiciaire, et surtout qui ne mentionnait nullement le jugement de confiscation. Suite à l’obtention de cette attestation, le promoteur a procédé à l’acte d’acquisition et le terrain a été immatriculé en 2004 à la conservation de Tanger-ville. D’ailleurs, M. Châabi considère qu’il n’est pas concerné par le problème de ce terrain. (voir encadré) Comment un acte entaché de nullité avait-il pu échapper à la vigilance des services de la conservation foncière pour être enregistré sans aucune difficulté ? En fait, ce n’est pas le seul problème à la conservation foncière de Tanger-ville, car cela fait longtemps que rien ne va plus entre les professionnels du foncier et l’administration de l’Agence nationale de la conservation foncière et du cadastre.
«Nous avons perdu confiance en l’administration de l’Agence nationale de la conservation foncière, la situation est devenue invivable», souligne à ALM un notaire de la ville de Tanger. D’ailleurs, cette plainte est soutenue par le président de la Chambre régionale du notariat du Nord, Jalal Hikmat qui rétorque que «cela dure depuis environ 3 ans (et que) ce mode d’administration nuisait au pays et aux investissements. La situation a empiré depuis 3 ou 4 mois».
Selon les professionnels, la conservation foncière serait à l’origine d’un grand blocage de leurs affaires. Ils soulignent qu’à la conservation de Tanger, les récépissés de dépôt ne sont pas délivrés contre les dossiers présentés, nombre de dossiers de titres fonciers auraient été égarés en plus des dossiers déposés.
De plus, on reproche à l’administration de la conservation foncière de bloquer les dossiers ou de les rejeter sur la base de «causes non fondées et sans le faire par écrit», nous explique un notaire exerçant à Tanger.
«Nous n’avons même pas le droit de consulter par nous-mêmes les dossiers des titres fonciers, nous ne pouvons pas nous baser uniquement sur la déclaration du fonctionnaire de la conservation et encore moins sur un certificat qui est peut-être douteux», ajoute ce dernier.
Il est à souligner que depuis quatre mois, la Chambre des notaires de la région a décidé d’adopter une nouvelle procédure de travail. Les actes relatifs aux ventes et les autres dossiers sont transmis à l’Agence de la conservation foncière via huissier de justice. En fait, cela avait été décidé suite à l’agression subie par Me Drifa Amekrane, notaire à Tanger, dans les locaux de la conservation foncière.
De même, une correspondance datée du 20 mars a été envoyée par la chambre régionale du notariat du Nord au responsable de l’Agence de la conservation foncière de Tanger, avec copie adressée à de hauts responsables gouvernementaux. Dans cette lettre, la Chambre des notaires fait part de ses griefs à l’égard des procédures adoptées au sein de la conservation de Tanger.
En guise de réponse, les notaires disent avoir reçu un écrit de la conservation générale leur signalant que «le conservateur faisait convenablement son travail». Au niveau de la Fédération, des promoteurs immobiliers à Tanger, on tient le même discours réprobateur. «Malheureusement, la conservation ne fonctionne pas bien. Pour avoir un certificat, cela peut prendre une demi-heure comme cela peut prendre 15 jours», commente Abdeslam Yassine, président de cette fédération. «Tanger est en plein boom immobilier, nous avons beaucoup d’investisseurs, d’acheteurs, mais l’administration de la conservation ne suit pas le rythme. Des procédures sont imposées, et cela sans même éditer de circulaires écrites. Au point que dernièrement, nous ne pouvions plus faire de projets par tranches, alors que le dahir de 1990 est très clair là-dessus», explique M. Yassine.
L’arrestation du conservateur de Tanger apporterait-elle de nouvelles révélations sur d’autres scandales liés au foncier dans la région ?
Aujourdhui.ma