Il y a deux siècles de cela, Honoré de Balzac avait dit que «l’amour n’est pas un sentiment, il est aussi un art». Les gréco-romains l’avaient assimilé à un mythe, à un dieu puis à une déesse. Les poètes, eux, en connaissent les vertiges, les couleurs, mais n’en détiennent pas l’astuce. Les hippies en ont fait leur religion, et les philosophes leur quête initiale.
Quant au Petit Robert, il nous apprend que ce n’est qu’une» réaction affective, en général intense. Un mouvement, une agitation,… « Toujours est-il qu’il n’y a pas de définition universelle décrivant cette sensation tantôt mâtinée d’appréhension, tantôt de béatitude. Tout dépend de la chose ou de l’être aimé.
Mais qu’est-ce qu’une expérience amoureuse? Hassane Nehas, un psychologue clinicien en France, explique : «La première expérience amoureuse que nous observons dans notre vie c’est celle entre le nourrisson et sa mère. Elle commence depuis la première rencontre entre le bébé et le sein de sa mère. Cette satisfaction innommable, que les psychanalystes appellent le désir, se développe jusqu’à l’âge adulte».
Toutefois, amour et sexualité ne feraient souvent qu’un. «L’amour est un état affectif qui relève du ressenti vis-à-vis d’une personne qui devient indispensable pour la survie psychologique d’une autre, c’est ce qu’on appelle l’état amoureux. Ce sentiment doit se différencier de la sexualité qui, elle, a deux visées : l’une liée à la reproduction de l’espèce humaine et l’autre qui est exclusivement pulsionnelle.» développe le psychanalyste. Dans notre société, l’amour au féminin n’aurait pas de statut.
Le psychologue Hassane Nehas remarque que la femme n’a pas toujours le droit de vivre un état amoureux, c’est-à-dire un état choisi et non imposé. Pour mieux nous rapprocher d’une définition un tant soi peu familière, d’une explication bien de chez nous, de ce que pourrait être l’amour, nous sommes partis à la cueillette des témoignages…
Layal, 20 ans, réaliste :
«Pour moi, l’amour est un mythe, une énigme.
Dans les poèmes, les films ou les chansons, c’est un partage de sensations et de plaisir, mais en réalité je n’y attache pas beaucoup d’importance, c’est un choix. J’attends de voir ce qui va se passer après, peut-être que je changerai d’avis, mais c’est trop beau pour être vrai en tout cas.
En plus, je ne suis jamais tombée amoureuse! »
Houcine, 30 ans, sage :
«Personnellement, je pense que 75% des Marocains doivent assimiler l’amour au Mariage. Cela ne naît pas du hasard à mon sens, car beaucoup de parents n’approuveraient pas que leurs filles – peu importe leur âge – tombent amoureuses sans être mariées! C’est un peu curieux, cette façon de penser semble être archaïque, pourtant beaucoup de gens l’adoptent. Il faudrait admettre que les jeunes ont le droit de zigzaguer un peu…»
Latifa, 21 ans, novice :
«L’amour je ne l’ai pas encore expérimenté, donc je ne peux pas dire ce que c’est que concrètement.
C’est peut-être la tendresse et l’affection que l’on ressent envers les gens qui nous entourent, qu’ils soient des enfants, des femmes ou des personnes âgées.
Avec eux, on sait ce que c’est que le vrai bonheur, mais surtout le plaisir d’être en bonne compagnie.»
Khalid, 23 ans, spirituel :
«L’essence de l’amour c’est l’affection parentale, et celui de Dieu. Mais l’amour dans le sens sentimental du terme n’est pas toujours évident, car les relations entre filles et garçons sont souvent douteuses. Pour moi, l’amour est beaucoup plus qu’un moyen matériel. L’amour spirituel est beaucoup plus profond et durable. L’amour de la paix est devenu une nécessité, vu la barbarie du monde dans lequel nous vivons.»
Sarah, 19 ans, romantique :
«L’amour est un sentiment noble, il n’a rien de déshonorant. Le véritable amour pour moi, c’est de savoir donner sans rien attendre en retour, c’est aussi de vivre une histoire avec quelqu’un qui me comprendra et qui saura partager mes joies et peines. Toutefois, il ne faut pas tenter de le définir, cela détruirait son côté mystérieux, il faudrait plutôt le ressentir. Et puis, quand nous arriverons un jour à aimer sans rien demander en contrepartie, notre bonne étoile sera de notre côté.»
Amour = Mariage ?
Pourquoi assimile-t-on souvent l’amour à la bague au doigt et aux enfants. Roméo et Juliette sont incontestablement les meilleurs tourtereaux de tous les temps, oserait-on dire qu’ils ne se sont pas aimés? Néanmoins, dans notre société le mariage ne serait pas toujours Le tueur de l’amour… Rétrospective : il y a à peine une quarantaine d’années, la femme marocaine n’avait le droit de découvrir le visage de son mari que quand celui-ci franchissait le seuil de sa maison, ou plutôt celle de ses parents. L’heureuse élue était souvent rencontrée dans un hammam ou dans un souk par sa future belle-mère qui arrangeait les préparatifs du mariage. Aujourd’hui un nouveau phénomène est sorti des limbes : le coup de foudre ! La femme a été émancipée et par conséquent le mariage et les rencontres ont été modernisés. Il suffit de faire un tour dans nos grands boulevards pour remarquer que les lieux de rencontres poussent comme des champignons, sans parler des sites de «tchat» sur le web. Encore faudrait-il s’interroger sur l’origine de l’amalgame…
Comment exprime-t-on l’amour ?
Exprime-t-on l’amour de la même façon à 10, 20, 40 ou 70 ans ? Quand il s’agit de cette sensation indicible, beaucoup de personnes excessivement pudiques préfèrent s’éclipser et se camoufler pour déclarer leur douce flamme. «Dans un couple, ce n’est pas la peine de se dire je t’aime, cela se ressent. Les sentiments s’expriment par les gestes, les faits…», nous révèle un septuagénaire. «Je sais très bien de quoi je vous parle, je vous le dis en connaissance de cause ! », ajoute-t-il en souriant.
Houda Belabd
Le matin