Dès le début, Fouad a tout compris : il faut trimer pour pouvoir se faire une place dans l’échiquier artistique égyptien et arabe. De petits rôles par-ci par-là… et puis un premier succès, « Assecreter Al Fanni », le propulse sur la scène théâtrale. Talentueux et hostile aux rôles standardisés, il devient le jeune favori du metteur en scène Sayed Badir.
Juste après, il fondera sa propre campagne théâtrale et vouera toute sa vie aux textes, promenant sa troupe dans les villages perdus d’Egypte.
Archange et diable, il était résolu à écrire son nom en lettres d’or dans le livre fascinant de l’art égyptien et arabe.
On avait été immédiatement surpris par sa personnalité lors des différentes rencontres avec sa femme Chouikar, l’une des actrices fétiches des cinéastes de l’époque. Tous les deux ont fait les beaux jours du théâtre et du cinéma arabes.
Fouad Al Mouhandis est tout le contraire du virtuose énumérant la liste de ses films et de ses pièces, évoquant avec indifférence son métier, ou sa passion pour le théâtre. Imperceptiblement réservé, mais pas au point de laisser imaginer un secret. Ni franchement rêveur, ni totalement là. Un tempérament intense, comme le traduisent ses interprétations viscérales et enflammées du répertoire international.
Après les succès qu’avaient connus ses pièces de théâtres, à l’instar de « Saydati Al Jamila » et « Ana wa howa wa hiya », Al Mouhandis tente sa chance au cinéma. Il commence alors par quelques rôles secondaires. Mais depuis sa participation, à la fin des années 1960, au film « Ard Anifak », il est devenu une star du cinéma égyptien. En effet, tous les films qu’il tourna avec son épouse ont trouvé grâce aux yeux des critiques et du public.
Mais toute belle histoire a une fin. Al Mouhandis se sépare de Chouikar après vingt ans de vie commune. La nouvelle a choqué bon nombre de personnes.
« Chouikar est mon premier et dernier amour. On s’entendait très bien tous les deux. C’est ce qui explique d’ailleurs le succès de nos pièces théâtrales et de nos films », avait-il déclaré.
Fouad continue alors son chemin seul. Il se lance dans un nouveau créneau, à savoir la radio, en présentant des émissions inoubliables pour les enfants.
Au regard et au sourire authentiques, il demeure l’un des maîtres de la comédie en Egypte.
Depuis toujours, le contrat tacite entre Fouad Al Mouhandis et son public repose sur une volonté d’interroger le monde et de prendre à partie ses interlocuteurs. Un pacte qui a duré quarante ans et qui a pris fin samedi dernier, jour de la disparition de l’artiste.
Acteur qui a marqué les arts égyptiens de par sa prestation et sa longévité (82 ans), Fouad Al Mouhandis laisse un héritage inestimable pour la génération montante.
Homme de théâtre à la stature internationale, son œuvre confirme l’activité culturelle qui a toujours existé en Egypte.
Fatima-Ezzahra Saâdane
LE MATIN