En neuf mois, c’est-à-dire du début de l’année au 27 septembre 2006, 9.511 demandes de crédits ont été satisfaites pour un volume de près de 1,2 milliard de dirhams. L’objectif des pouvoirs publics d’atteindre les 10.000 crédits avant la fin de cette année semble largement à la portée.
Si les chiffres avancés satisfont les promoteurs du Fogarim, l’analyse détaillée de ces mêmes chiffres leur donne doublement raison. Ainsi, pour la première fois, une population très pauvre, constituée de personnes à revenu irrégulier ou à petit revenu et de surcroît non bancarisée, accède à la propriété et cela sans attendre une aide frontale et directe de la part de l’Etat.
La politique gouvernementale qui, pour lutter contre l’habitat insalubre, avait jusque-là privilégié la distribution de logements ou de lots de terrain, amorce un sérieux virage. Outre les efforts directs déjà consentis en faveur des couches pauvres de la population, l’Etat s’adresse à ces catégories d’une manière plus intelligente. A travers le Fonds, la personne-cible intègre le réseau bancaire, généralement pour la première fois, et acquiert ou construit un logement sans que cela ne soit considéré comme une aide.
Economiquement, l’impact est immédiat. La personne-cible accède au circuit moderne et formel de l’économie nationale à travers la bancarisation de ses revenus. Socialement, c’est une révolution puisque l’on passe d’une philosophie de personne assistée à une autre radicalement différente, celle d’une personne se prenant totalement en charge et gérant elle-même son budget.
D’ailleurs, la moyenne des crédits accordés, qui tourne autour de 125.000 dirhams, démontre si besoin est que le Fogarim a touché le cœur de cible : la population extrêmement pauvre. Une population qui peut dorénavant réaliser le rêve d’une vie, celui de posséder enfin un logement décent.
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LE MATIN : Ces derniers jours, il y a une nette accélération dans l’octroi du fonds de garantie. A quoi cela est-il dû ?
Taoufik Hjira : A une prise de conscience accrue de la part des banques et des promoteurs, notamment grâce à la communication. Pour que ce programme prenne sa vitesse de croisière aujourd’hui, c’est une communication de proximité auprès de la population-cible qu’il faudrait mener. Cette population-cible est constituée par les très pauvres et les ménages à revenus irréguliers. Le gouvernement a décidé de lancer une deuxième étape de communication plus divisée et plus présente pour faire arriver le message à la population-cible.
Jusqu’à quel point le Fogarim est-il adapté aux besoins de cette population-cible ?
A ce propos, les chiffres sont éloquents. Aujourd’hui, les 9.500 prêts contractés, les 1,2 milliard de dirhams accordés et l’engouement constaté aussi bien par les banques que par les promoteurs dénote un réel intérêt au produit que nous leur proposons et ce n’est pas fini. Nous sommes obligés de continuer à communiquer auprès de la population-cible pour obtenir les chiffres que l’on souhaite. Les 10.000 crédits accordés par an que nous allons atteindre sans problème au titre de cette année ne sont pas la vitesse de croisière pour le Fogarim. L’objectif recherché est que le Fonds puisse atteindre sur le moyen terme les 50.000 prêts par an.
Est-ce qu’on a une idée précise sur le nombre de personnes qui peuvent constituer la population-cible ?
C’est très difficile de donner un chiffre précis. Aujourd’hui, nous estimons que le nombre de ménages concernés par le programme Villes sans bidonvilles est de 270 mille. Nous avons 540 mille ménages qui sont dans l’habitat clandestin. Il y en a entre 100 et 120 mille qui habitent des bâtisses menaçant ruine. Il y a aussi les gens qui cohabitent dans le même logement. Si nous additionnons ces trois franges de la population, nous aboutissons à presque un million de ménages, ce qui correspond à cinq ou six millions de personnes. Nous parlons du tiers de la population marocaine, nous pouvons également ajouter à ces chiffres, qui concernent les déficits en logement, ceux qui habitent correctement mais qui veulent améliorer leur condition d’habitat. Ces chiffres concernent la population urbaine et non le monde rural.
Les 10.000 prêts contractés en une année demeurent tout de même en deçà des attentes. Y a-t-il des carences dans l’application du Fogarim ?
La principale carence est la communication. Vous savez, nous sommes en train de construire un modèle que nous sommes appelé à améliorer et à corriger et nous n’avons aucun complexe à le dire. Le fait de donner la possibilité aux pauvres d’accéder au système bancaire afin de contracter des prêts et d’acheter des logements est une première au Maroc. Nous avons commencé par une première variante qui n’a pas très bien fonctionné et nous étions obligés de la revoir avec la participation de tous les acteurs concernés, notamment les promoteurs et les banques. Nous avons actualisé et relooké le modèle. Peut-être que quand nous arriverons à 30 ou 50 mille bénéficiaires, nous serions appelé à revoir les indicateurs et les éléments de ce modèle.
Est-ce que le Fonds va avoir un impact sur la prolifération de l’habitat insalubre ?
La réponse est clairement non. Si nous arrivons aujourd’hui à avoir les deux formules, c’est-à-dire donner une offre, et si le produit est rendu très abordable par le biais du Fogarim, cela peut constituer un autre levier de lutte contre l’habitat insalubre. Si on arrive à faire dire aux populations concernées qu’elles peuvent, moyennant 600 dirhams par mois et sans avance, acquérir un logement, j’imagine que beaucoup de personnes qui habitent les bidonvilles ne vont plus attendre la super-subvention de l’Etat et les super-projets dopés par les pouvoirs publics, et vont sauter le pas pour acheter un logement. A terme, le Maroc ne peut continuer à l’infini dans cette démarche d’aide frontale. Cette aide frontale par rapport au volume, à l’importance du chiffre et à l’importance de la présence de l’habitat insalubre.
A un certain moment, il faut casser le cercle vicieux et travailler sur la prévention en intensifiant l’offre et en accordant les prêts.
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Quels sont les crédits éligibles ?
Les prêts bancaires accordés dans les conditions suivantes :
-Le financement de l’acquisition ou de la construction du logement principal.
– La quotité peut aller jusqu’à 100 % du coût global d’acquisition ou de construction du logement éligible. Quant à la mensualité, elle peut atteindre 1.500 DH TTC au maximum. En ce qui concerne le taux d’intérêt. Il est fixe, son appréciation est laissée à la banque en tenant compte de la garantie du Fonds.
– La durée est de 25 ans au maximum, y compris la période de différé, tenant compte de la mensualité et de l’âge du bénéficiaire. La dernière échéance du crédit doit coïncider, au plus tard, avec le 60e anniversaire du bénéficiaire. Toutefois, cette échéance peut être fixée au-delà du 60e anniversaire dès lors que le bénéficiaire produira une caution personnelle souscrite par une tierce personne solvable.
– Enfin, pour le financement de la construction, un différé (principal + intérêt) est accordé durant la période du déblocage qui ne peut excéder 24 mois. L’accord préalable de la CCG est exigé dans le cas où cette période dépasse 24 mois.
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Les conditions d’éligibilité des logements
Les logements à acquérir ou à construire doivent satisfaire aux conditions suivantes :
– Le logement doit porter sur le logement principal du bénéficiaire. Ce dernier doit souscrire un engagement sur l’honneur de réserver, impérativement, le logement financé à l’habitation à usage personnel et/ou de ses ascendants ou descendants de 1er degré.
– Le logement financé doit être situé dans la wilaya ou la province où le bénéficiaire exerce son activité.
– Le coût global d’acquisition du logement social ou de sa construction ne doit pas excéder 200.000 DH TTC, y compris tous les frais annexes et ce, dans la limite de 10 % du prix de vente, tel que figurant sur le compromis de vente, ou du coût des travaux de construction.
– Le logement social à acquérir ou à construire doit avoir un titre foncier en situation saine et régulière. Une autorisation de construire doit être fournie lorsqu’il s’agit de la construction. Le financement de l’achat du terrain est exclu de la garantie du fonds.
Propos recueillis par Karim Douichi
LE MATIN