RAM : Les dessous d’une nouvelle robe
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L’architecte des nouveaux uniformes de la RAM s’appelle Claire Barrat. Généologie académique classique: diplômée des grandes écoles de la mode. Un parcours prestigieux. Pendant une dizaine années, designer chez Lanvin, petit Vatican de la mode parisienne. Une vie éprouvante. Sur pied dès 6 heures du matin, souvent entre deux aéroports.
C’est tout de Claire Barrat, artiste, femme d’affaires, mais aussi mère d’un enfant qu’elle a vu grandir sans s’en rendre compte, occupée par le métier.
Une femme qui vit souvent entre deux vols, deux rendez-vous d’affaires, deux contrats. «Pourquoi tu as un appartement à Paris, tu devrais habiter dans un sac de voyages», ironisait un proche.
Avec la RAM, déclare-t-elle d’emblée, «c’est une vieille histoire». La première fois qu’elle dessine un uniforme pour le personnel de la RAM remonte à l’année 1977. Expérience réditée plusieurs fois du temps du général Kabbaj. «Je ne fabrique pas les tenues, je suis architecte», explique-t-elle. Pour élaborer les derniers uniformes de la RAM, Claire a fait appel à un groupe d’hôtesses (qui a formé une commission uniformes), recueilli leurs suggestions et leurs remarques. Ces hôtesses ont été impliquées jusque dans le choix des fournisseurs. Pour la designer, on ne peut pas habiller 3 000 personnes sans impliquer les bénéficiaires.
Avant de passer à l’étape industrielle, l’équipe a pris les mesures de 1 200 hôtesses de la RAM. Bientôt la même opération concernera les hommes. En tout cas, ce ne sont pas les industries textiles locales qui s’en plaindront. «Tout a été fabriqué au Maroc », assure Claire Barrat. Les tenues d’hiver seront livrées le 15 septembre prochain. Actuellement, l’entreprise Claire Barrat habille une dizaine de compagnies, intervient de plus en plus dans l’événémentiel, le lancement de projets, etc.
Mais le cœur de l’ouvrage reste les uniformes. Pour la RAM et ses filiales Atlas Blue, Air Senegal, la compagnie libyenne Ifriquia Airways, Egyptair, Air Algerie.
En plus des compagnies aériennes au Maroc, l’Office national des chemins de fer (ONCF), Barid Al Maghrib et, entre autres, l’hôtel Amphitrite à Skhirat, prennent commande aussi chez Barrat.
«Claire au cœur arabe», comme l’avait titré un jour Al Qods Al Arabi, a une relation particulière avec le monde arabe, le Maroc en particulier.
Fille de journaliste, cette femme qui a fait ses classes de designer chez Lanvin, s’est retrouvée plongée dès son enfance dans l’actualité du Maghreb. C’était après la Seconde Guerre mondiale. Les partis nationalistes marocains et algériens luttaient alors pour l’indépendance. Des soutiens se manifestaient en France, notamment dans les cénacles des intellectuels de gauche. Les parents de Claire, Robert et Denise Barrat, militants chrétiens socialistes, vont dès le départ embrasser cette cause. Rédacteur en chef de “Témoignage Chrétien”, le père vient au Maroc pour les besoins de son métier.
S’ensuit, dès son retour en France, un reportage qui tourne en réquisitoire contre le colonialisme. Politiquement incorrect dans une France nostalgique de sa grandeur. Marqué par son expérience marocaine, Robert Barrat parvient à sensibiliser François Mauriac et Jean-Paul Sartre. C’est dans cet univers humaniste que la jeune Claire Barrat, aînée d’une famille de quatre enfants, prend conscience de l’Autre. Son père s’était rapproché de Mohammed V. Il fut l’un des journalistes à l’avoir vu avant son exil pour Madagascar. Auparavant à Paris, il a reçu Roi du Maroc, Feu Hassan II et quelques grandes figures nationalistes de l’époque. Entre autres, Ahmed Snoussi, Taieb Benhima, Moulay Ahmed Alaoui, Ben Barka. La maison de Dampierre, chez les Barrat, devint au fil des ans un refuge. Feu Hassan II en parle dans son livre “Le défi”. Auteur de “Justice pour le Maroc”», Robert qui milite également pour l’indépendance du Maroc fait plusieurs allers-retours entre son foyer et la prison. Emprisonné au moins sept fois pour la cause algérienne, souvent avec son épouse, Robert se voit confisquer ses papiers, interdit de voyager. Il meurt jeune en 1976. Mais depuis, dans la famille, l’engagement pour le monde arabe est devenu une tradition. La mère Denise Barrat n’hésitera pas à léguer la totalité de ses biens à Yasser Arafat et à la cause palestinienne. Telle mère telle fille ? Claire a repris le flambeau des mains des parents. Rares sont les Marocains qui ont vu son documentaire historique réalisé entre juin et juillet 1999 sur le règne de Mohammed V. Diffusé sur la Cinquième, Canal Horizons, le film n’est jamais sorti sur une chaîne de télévision marocaine. «Un problème technique», explique Claire, déjà happée par un autre grand challenge. Quelque chose d’important pour elle, une action en faveur de la femme marocaine. Sans doute conçue comme ses dessins, entre deux vols.
source:aujourdhui
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