Ainsi concédé à la filiale marocaine, ce monopole constitue une aubaine pour Altadis qui devrait voir sa position se renforcer au plan national, et atténuer par la même certaines baisses de régime auxquelles fait face le cigarettier.
Certains observateurs vont même jusqu’à dire que cette mesure vient à point nommé et pourrait constituer une «bouffée d’oxygène», surtout que le groupe franco- espagnol s’est trouvé assujetti à des «vents contraires» au niveau européen. Le groupe fait face au déclin des marchés occidentaux, avec notamment le relèvement des taxes sur les cigarettes qui pèse sur le secteur.
Et outre qu’il doit réduire ses coûts en France, faire face à l’interdiction du tabac depuis le 1er janvier 2006 dans les lieux publics en Espagne, ainsi qu’à la hausse des taxes décidées par Madrid, Altadis souffre avec acuité de la guerre des prix déclenchée (début 2006) par son concurrent Philip Morris sur le marché ibérique des cigarettes.
Ceci signalé, cette prolongation s’explique par le transfert irréversible de la consommation des cigarettes brunes vers les cigarettes blondes. Au demeurant, une tendance qui a touché de plein fouet le secteur de la culture de tabac au Maroc, pays producteur essentiellement de tabac brun. Pour la seule année 2005, il faut dire que les ventes des cigarettes blondes d’Altadis avaient bondi de 228%, passant de 243,8 millions à 802 millions de cigarettes.
Quant aux cigarettes blondes produites localement, au titre du même exercice, leurs ventes avaient atteint 7,1 milliards d’unités, avec une forte présence du produit Marquise dont les ventes ont augmenté de 7,2 % par rapport à 2004. Une évolution qui, soit dit en passant, aura été relayée par d’intenses efforts de la Commission nationale de lutte contre la contrebande de cigarette (CNLCC), qui a, tout de même, réussi à faire passer le taux de la contrebande de 25 à 20% du marché officiel.
En revanche, les ventes des cigarettes d’autres fabricants importées avaient accusé un repli de 12,1 %. Idem pour les cigarettes brunes qui avaient vu leurs ventes chuter de 20,19 % par rapport à 2004, confirmant ainsi la tendance baissière qui caractérise désormais leur consommation depuis des années à la faveur du déplacement de la consommation des tabacs bruns vers les blonds. Leur part de marché aura même régressé pour atteindre 28,2% contre 34,4% l’exercice précédent.
Depuis son acquisition par Altadis, la part de marché de La Régie des Tabacs est passée de 85 % en 2003 à 88 % en 2005, grâce aux améliorations apportées à la marque locale Marquise et à l’introduction réussie des marques internationales du Groupe, Fortuna et Gauloises Blondes, qui réalisent de très bonnes performances.
Les ventes de cigarettes en volume d’Altadis au Maroc ont représenté 11,7 milliards d’unités sur un marché total de 13,4 milliards d’unités
Dorénavant, les producteurs locaux se voient acculer à se reconvertir vers la production des tabacs blonds. Incluant un système de régulation des prix de vente des tabacs manufacturés sur le marché local, visant pour l’essentiel à prévenir les risques de guerre des prix, ce décret de loi, publié à fin juillet, confie à la Régie des Tabacs la responsabilité et l’assistance technique aux cultivateurs de tabacs, jusqu’au 31 décembre 2010, en vue de mettre en œuvre «un plan de développement de culture de diverses variétés de tabac blond».
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Les points forts du groupe
Le groupe franco-espagnol Altadis, né du rapprochement de la Seita et de Tabacalera, est l’un des leaders de l’industrie européenne du tabac et de la distribution. Il détient des positions clés dans ses trois domaines d’activité : numéro 3 en Europe de l’Ouest sur le marché des cigarettes (avec parmi ses marques phares Gauloises ou Fortuna), numéro un mondial dans le domaine des cigares et l’un des principaux acteurs d’Europe du Sud dans la distribution de proximité.
Altadis, à l’image de ses pairs européens, semble moins exposé que les industriels américains au risque judiciaire lié au tabac. La diversification des activités du groupe permet une meilleure répartition des risques. Le pôle cigarettes représente plus de 50 % des ventes, le reste étant réparti à peu près équitablement entre l’activité cigares et la distribution logistique.
Après avoir mis la dernière main à la réorganisation de l’outil industriel en France et au Maroc, Altadis va s’attaquer à un plan similaire en Espagne. Le titre revêt un intérêt spéculatif du fait de rumeurs récurrentes sur un rapprochement entre Altadis et le britannique Imperial Tobacco. Altadis veut poursuivre son programme de rachat d’actions pendant encore deux ans.
Abdelali Boukhalef
LE MATIN