C’est en 1946 que cette station a vu le jour en tant que radio commerciale qui axait sa programmation sur le divertissement, au milieu d’une rude concurrence menée par bon nombre de radios françaises, espagnoles, américaines, anglaises qui émettaient toutes en français, anglais et espagnol, du temps où Tanger avait un statut international. Cette émulation, c’est sur le terrain de la variété et celui des requêtes de l’auditeur qu’elle se passait.
Des stations comme «Radio Africa» (USA/ Espagne, créé en 1939), avec plusieurs autres, redoublaient d’efforts et de créativité pour attirer la plus grande audience possible, et par là même les faveurs des annonceurs. Eu égard à une réalité démographique et culturelle, la station s’est naturellement ouverte à la langue arabe, chose qui lui permettait de prendre plus de place sur un terrain étriqué.
Ce fut le temps des feuilletons, des sketches et des nouveautés musicales où une sortie exclusive se payait à prix d’or.
Les événements de 1953, l’exil de Feu S.M. Mohammed V, les émeutes dans les grandes villes du royaume et le souffle patriotique qui a envahi la conscience collective des Marocains ont été déterminants pour lui attribuer de nouveaux rôles : celui d’un véhicule d’information nationale, et celui d’instrument de résistance par le biais d’annonces codées permettant aux activistes du mouvement de libération nationale de communiquer les messages et les mots d’ordre urgents.
Il faut noter que c’était grâce aux divergences d’intérêts entre les différents colonisateurs que cette fonction cruciale a pu être remplie.
Avec l’avènement de l’indépendance, la station a élargi son champ d’action aux combats des peuples du Maghreb. Des créneaux horaires ont été destinés à la cause algérienne, avec «Radio Algérie libre», pour forcer le black-out sur les informations en provenance des maquis algériens. Radio Tanger transmettait au monde les communiqués du FLN, news sur les victoires de l’armée de libération, dans le même esprit qu’elle le faisait pour l’indépendance du royaume.
Un autre créneau a été consacré à la cause du peuple mauritanien sous la dénomination de «Radio Mauritanie Afrique», en respect de la même logique.
Au début des années soixante, avec la promulgation de la loi sur la nationalisation des ondes, Radio Tanger a définitivement vêtu les couleurs marocaines, et a entériné le choix de l’arabe comme langue officielle.
Cette station a fait office d’école pour de nombreux personnages qui ont meublé le paysage médiatique.
Des noms comme Mohamed Bouânani, Khalid Mechbel, Mohamed Bennani ou encore Mohamed Lazraq y ont fait leurs premiers pas dans le journalisme et l’animation radiophonique.
Du haut de ses soixante ans de carrière, Radio Tanger poursuit son bonhomme de chemin pour informer, divertir et cultiver avec originalité des auditeurs qui lui sont devenus fidèles, grâce à sa constance et une crédibilité gagnée au fil des ans.
Mustapha Bourakkadi
LE MATIN