Cette occasion a fait son entrée progressive dans notre société, malgré les nombreuses objections à son sujet. « Cela ne fait pas partie de notre culture », « ce n’est pas une fête marocaine, on l’a adopté de l’occident », « je n’ai pas besoin d’un jour déterminé pour dire à ma femme que je l’aime »….
La culture de la virilité
« Nous sommes dans une culture où l’amour a été chanté et clamé dans les poésies mais qui n’est pas exprimé. Les Marocains n’expriment pas l’amour, ils ne disent pas « je t’aime ». Et c’est dû essentiellement à la culture marocaine, affirme la sociologue Soumaya Naamane Guessous. L’amoureux est vu comme une personne faible. On dit de lui : « wakel sberdila », « mdebbaâ », « mashour », « hal fomo o tabeâha » (quelqu’un lui a jeté un sort), « ma bkach rajel » (il n’est plus un homme)… La perception de l’amour est négative dans notre société.»
Cette culture consacre le concept de « Rajel », l’homme fort, insensible, qui ne pleure pas et qui ne peut pas faire de déclarations d’amour. « Il a été formé à la virilité. Il ne peut pas dire « je t’aime » à une femme car c’est une preuve de faiblesse qui mettrait en question son pouvoir et son autorité au sein de son couple », poursuit-elle.
Du changement dans l’air ?
Or, de nos jours, cette culture est en train de céder la place à une autre beaucoup plus ouverte aux changements. « Les jeunes vivent aujourd’hui avec des femmes qui revendiquent l’expression de l’amour », révèle Soumaya Naamane Guessous.
Ces jeunes femmes instruites et intellectuelles rêvent du prince charmant qui les comblera d’amour et de tendresse, qui se souviendra de leurs dates d’anniversaires et qui n’hésitera pas à leur offrir une rose, ou un cadeau quelconque avec un « happy Valentine » ou un « je t’aime », le jour de la fête des amoureux. Un coup de cœur facile, pas cher et qui peut rapporter gros.
Même si beaucoup d’hommes nient toujours accepter l’idée, se disant : ‘‘moi je l’ai épousé, j’ai eu avec elle des enfants, ou je lui ai offert la moitié de l’appartement en son nom, qu’est ce qu’elle veut de plus ?’’, lance la sociologue, « on se rend compte que la Saint-Valentin s’incruste aujourd’hui de plus en plus dans nos traditions. Par exemple, l’année dernière à 16h de l’après-midi, on ne trouvait plus de fleurs sur le marché casablancais, et celui qui en avait encore les a vendues à 20 et 26 DH la pièce. Cela veut dire que cela est en train d’arriver gentiment dans notre culture mais ce n’est pas encore accepté», conclut-elle.
Autre témoin de ce fait sont les offres marketing qui ravagent le marché : évasion en amoureux pour des destinations de rêve, offres spéciales dans les magasins de fleurs, d’habillement, dans les bijouteries, les parfumeries, chez les chocolatiers… autant de suggestions alléchantes, de quoi ravir les cœurs sensibles et faire rêver les solitaires en quête d’amour.
Houria Ben Moussa
Menara.ma