Le 1er janvier 2006 à 10 heures, la Russie mettra à exécution ses menaces de couper le gaz à l’Ukraine si celle-ci n’acceptait pas le prix de 230 dollars les 1 000 mètres cubes de gaz qu’elle compte lui appliquer. « La Russie a fait toutes ses propositions, elles sont fixées dans des contrats. Aucune autre proposition de la part de la Russie ne sera faite », a déclaré mardi soir, le ministre de l’Énergie russe, Viktor Khristenko. Pour tenter de dénouer cette crise, le président ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a dépêché hier son ministre de l’Énergie, Ivan Platchkov, et ce, suite à un entretien téléphonique avec son homologue russe, Vladimir Poutine. Il est peu probable que cette mission de la dernière chance aboutisse à quoi que ce soit : Moscou refusant tout compromis, y compris une hausse graduelle s’étalant sur une période allant de 2006 à 2009 comme le propose Kiev.
Dans cette affaire, l’Ukraine a usé, non sans une certaine maladresse, de toutes les cartes dont elle dispose pour contrer la menace russe. Dans un premier temps, Kiev a rejeté une hausse des tarifs du gaz de 160 dollars les 1 000 mètres cubes. Devant le refus ukrainien, Gazprom, l’entreprise russe relève le prix à 230 dollars les 1 000 mètres cubes alors que par ailleurs, elle le facture à 110 dollars à la Géorgie, la Moldavie, l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le premier ministre ukrainien, Iouri Ekhanourov, qualifie la décision russe de « pressions économiques » sur son pays et menace alors de prélever 15 % du gaz russe destiné à l’Europe de l’Ouest transitant par le territoire ukrainien. « Tout prélèvement » du gaz « à partir de 2006 sera considéré comme du vol » a estimé Sergueï Kouprianov, porte-parole de Gazprom. Ajoutant non sans ironie qu’une telle décision signifierait que « l’Ukraine volerait du gaz destiné à l’UE qu’elle souhaite intégrer ». Mieux, pour Alexandre Medvedev, vice-président de Gazprom, cité par la Tribune, continuer à lui livrer le gaz à 50 dollars les 1 000 mètres cubes, signifierait que « l’Ukraine voudrait, d’un côté se transformer en une économie de marché et, de l’autre, maintenir des subventions injustifiées sur le gaz russe. Dans un deuxième temps, Kiev a brandi la menace de modifier le statut de la base navale de Sébastopol située en territoire ukrainien. Ce à quoi Moscou a rétorqué que toute modification de ce statut risque de remettre en cause la reconnaissance des frontières entre les deux pays. À ce sujet, les courants nationalistes russes n’hésitent pas à rappeler que la péninsule de Crimée où se trouve Sébastopol, a été rattachée à l’Ukraine en 1954 sur décision du numéro un soviétique, lui-même ukrainien, Nikita Khrouchtchev. Toutefois, derrière cette crise se profile un enjeu économico-financier concernant le contrôle du consortium russo-ukrainien-allemand, mis en place en 2002, chargé de la gestion des gazoducs transitant par l’Ukraine : l’entreprise russe Gazprom veut en devenir l’actionnaire principal. En contrepartie, elle accepterait de poursuivre les livraisons de gaz à 50 dollars les 1 000 mètres cubes. Une offre que le chef d’État ukrainien, Viktor Iouchtchenko, a naturellement déclinée.
Une chose est sûre : l’étau se resserre sur Kiev et, sauf compromis de dernière minute, le pouvoir ukrainien n’a pour l’heure aucune alternative à opposer à la détermination affichée par Moscou d’augmenter ses prix.
Source : L’humanité