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La France au zénith

«C’est l’enfer!» Quand on lui demande comment avance son travail, Sylvestre Maurice n’a pas de mots assez forts pour décrire son état d’excitation et de stress. Ce planétologue du Centre d’étude spatiale des rayonnements (Toulouse) a été sélectionné, voilà un an et demi, par la Nasa pour mettre au point un instrument scientifique innovant destiné à équiper un véhicule qui abordera Mars en 2009. Une fois sur la planète rouge, monté sur un rover à six roues motrices, ChemCam sera capable de déterminer la nature d’une roche à une dizaine de mètres de distance. Une révolution puisque, jusqu’à présent, les véhicules devaient s’approcher de la surface à échantillonner pour la forer et pouvoir en analyser la composition.

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ChemCam doit réussir cet exploit grâce à un faisceau laser délivrant une puissance instantanée de quelques milliards de watts sur une surface de 1 centimètre carré. Portée à une température infernale – plusieurs dizaines de milliers de degrés au point d’impact – la roche est vaporisée, transformée en gaz ionisé, lequel rayonne. Equipé d’un télescope, ChemCam recueillera cette lumière pour l’analyser et déterminer la composition de la roche dont elle est issue.

Mais, à l’heure qu’il est, les pièces de ChemCam s’étalent sur 2 mètres carrés, dans un laboratoire du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), à Saclay (Essonne). Quand il décollera à destination de Mars, il faudra qu’il tienne dans une boîte à chaussures. Et, surtout, qu’il fonctionne parfaitement. La partie n’est pas gagnée: jamais un système laser n’a été envoyé sur cette planète. «Lorsque nous concevons un instrument, nous nous situons à la limite de ce que la technologie sait faire, insiste Jean-Loup Puget, directeur de l’Institut d’astrophysique spatiale, à Orsay (Essonne). Le propre de notre métier, c’est de prendre des risques.»

Les scientifiques français réussissent à placer régulièrement leurs instruments lors des appels d’offres de la Nasa, de l’ESA (Agence spatiale européenne) ou, bien sûr, du Cnes, l’agence française de l’espace. Sans doute parce que leur excellence dans l’instrumentation des sondes et des satellites est reconnue internationalement. «La France est un pilier de la science spatiale. En Europe, elle joue dans la cour des grands avec l’Italie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne», affirme Richard Bonneville, qui dirige le programme d’exploration de l’Univers au Cnes. «Au cours de l’histoire de l’ESA, aucune sonde scientifique ne s’est faite qui ne comportait au moins une “manip” française», confirme Marcello Coradini, responsable des missions d’exploration du système solaire au sein de l’agence européenne. La France, qui a fait de ce secteur un objectif stratégique depuis le général de Gaulle, dépense aujourd’hui quelque 90 millions d’euros par an pour ces appareils.

Cette volonté politique, relayée par des moyens financiers, a permis à des industriels et à des laboratoires de devenir experts dans certains secteurs comme l’accélérométrie (la mesure des accélérations permet à une fusée de s’orienter dans l’espace) ou l’optique, à travers la filière Spot. La société Jobin Yvon, créée en 1819 et rachetée voilà quelques années par une firme japonaise, vend ainsi des réseaux de diffraction – des systèmes de décomposition de la lumière dans ses différentes longueurs d’onde – dans le monde entier.

Ces efforts sont payants en termes d’influence. Mais aussi en raison des résultats scientifiques qu’ils permettent d’obtenir. Selon le directeur de l’observatoire astronomique de Strasbourg, Jean-Marie Hameury, les articles publiés par des Français dans le domaine de l’astrophysique comptent parmi les plus cités, avant ceux des Etats-Unis, signe de leur qualité. L’étude qu’il a réalisée sur ce sujet indique également que le lancement d’une mission spatiale majeure a un impact particulièrement fort. En 2003 étaient publiés les premiers articles à propos de Soho, une sonde européenne d’étude du Soleil. Ceux-ci ont été six fois plus cités que les papiers relatant les résultats obtenus depuis les observatoires terrestres.

Une délicate mise au point
Pourtant, lorsque l’on a la chance d’en approcher un, rien n’est moins impressionnant qu’un instrument spatial. Prenez Omega. Un modèle de cet engin, qui orbite actuellement autour de la planète Mars, subsiste dans le laboratoire de Pierre Drossart, sur le site de Meudon (Hauts-de-Seine) de l’Observatoire de Paris. Il consiste en un assemblage de boîtiers noirs recouverts par endroits de feuilles en matériau isolant qui dissimulent des cartes électroniques, des optiques et des miroirs. L’ensemble pèse quelques kilos et tient dans les mains. Ces dispositifs doivent résister à l’accélération et aux vibrations du décollage, aux particules du vent solaire ainsi qu’aux températures de – 100 °C à + 50 °C qui règnent dans le vide interplanétaire. Si les instruments terrestres, placés derrière des télescopes au sol, ont la délicatesse et les performances d’un cheval pur-sang, ceux qui sont envoyés dans l’espace tiennent plus du percheron. D’abord solides et robustes. En 1996, après l’explosion spectaculaire d’une Ariane 5 en plein vol, un boîtier électronique de la mission Cluster avait été repêché dans l’océan. Il avait résisté à ce feu d’artifice imprévu, à une chute de plusieurs kilomètres d’altitude, à un séjour dans l’eau salée, et il fonctionnait encore!

Attention, cependant. Tout rustiques qu’ils soient, ces appareils n’en restent pas moins des chefs-d’œuvre de précision destinés à mesurer des signaux d’intensité souvent très faible. De plus, chacun d’eux, s’il est destiné à l’exploration du système solaire, a toutes les chances de n’être fabriqué qu’en un exemplaire de vol, ce qui rend leur mise au point d’autant plus délicate. C’est l’une des raisons pour lesquelles les industriels du spatial laissent aux laboratoires de recherche le soin de les fabriquer eux-mêmes.

Virtis, par exemple, qui vient de partir étudier l’atmosphère de Vénus dans le cadre de la mission Venus Express de l’ESA. Cet engin a été assemblé dans un laboratoire où le niveau de poussière est sévèrement contrôlé. «Sinon, c’est sur Vénus – ou du moins sur les images qui y seront prises – qu’on les retrouvera», prévient Pierre Drossart. Une fois réalisé, il a fallu ensuite six mois de patient et minutieux travail de réglage et de calibrage, certaines pièces devant être assemblées avec une précision de 20 microns – millièmes de millimètres. A l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (Onera), où Pierre Touboul prépare la mission Microscope du Cnes, c’est le même souci du détail. L’unique instrument qui volera dans le cadre de cette mission se propose de tester l’universalité de la chute des corps découverte par Galilée et généralisée plus tard par Albert Einstein sous le nom de principe d’équivalence. Le savant italien fut le premier à prendre conscience que deux corps, de masse pourtant différente, lâchés en même temps du haut de la tour de Pise devaient toucher le sol de façon synchronisée.

Des instruments toujours plus innovants
Pour le vérifier avec 100 fois plus de finesse que jamais auparavant, Microscope emportera deux cylindres de masse inégale en orbite autour de la Terre, c’est-à-dire dans une chute perpétuelle autour du globe. Puis, retournant le problème, il calculera la force électrostatique qu’il faut exercer pour les maintenir sur la même trajectoire. Les deux cylindres, qui circuleront à 700 kilomètres d’altitude, voyageront sur une orbite parfaitement identique, à un milliardième de centimètre près! «Si les deux masses ne se comportent pas de la même façon, cela pourrait signifier que nous avons mis la main sur une cinquième et nouvelle force à l’œuvre dans l’Univers… qui n’a pas encore de nom», se réjouit Pierre Touboul.

Et, dans le domaine de l’exploration du système solaire, tout est à l’avenant. Des instruments sans cesse plus innovants tentent de faire reculer les limites de notre ignorance. En 2014, Consert, par exemple, devrait permettre d’en savoir plus sur les circonstances de la naissance du système solaire. Dans le cadre de la mission Rosetta de l’ESA, et grâce à des ondes radar, il va étudier l’intérieur d’une comète qui s’est constituée voilà quatre milliards et demi d’années. Plus loin encore dans le temps, HFI, qui volera à bord de la mission Planck de l’ESA, devrait être capable de «voir» les traces de l’Univers lorsqu’il n’était âgé que de 370 000 ans. A cette époque, il a émis un rayonnement appelé «fond cosmologique», encore sensible aujourd’hui avec des détecteurs refroidis à un dixième du zéro absolu, soit à – 276,06 °C. Si ce type d’expérience a déjà été réalisé dans le passé par les Américains, «HFI sera de 10 à 30 fois plus sensible et fournira des détails deux fois plus petits», note François Bouchet, de l’Institut d’astrophysique spatiale.

Lorsque ces missions – risquées, puisque 1 instrument sur 5 connaît des dysfonctionnements – sont des succès, les chercheurs se retrouvent à la tête d’une vaste moisson de données, qu’ils exploitent de nombreuses années durant. La sonde européenne Huygens, qui s’est posée sur Titan en janvier dernier, devrait ainsi alimenter les recherches des planétologues «jusqu’à ce qu’une autre mission soit envoyée sur cette lune de Saturne», estime Jean-Pierre Lebreton, directeur scientifique et technique de Huygens à l’ESA. Quant à savoir à quel moment ce successeur pourrait être lancé… «c’est une question à 2 milliards de dollars», répond-il. Une autre façon de dire que les données recueillies par les six instruments de Huygens feront les beaux jours de la recherche pendant encore plusieurs décennies.

Source : L’express

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